lundi 30 décembre 2013

Noël à la plage...

Bonjour à tous !

J'espère que Noël s'est bien passé pour vous...

Me voilà revenu de mon voyage à Ngwe Saung, je vous invite à voir les quelques photos que je viens de publier sur la page facebook liée à ce blog : https://www.facebook.com/CedricEnBirmanie

A bientôt !

Cédric

lundi 23 décembre 2013

Cédric en Birmanie à la plage


Je prends quelques jours de vacances et en profite donc pour vous souhaiter à tous de bonnes fêtes de fin d'année et surtout une merveilleuse année 2014 pleine de découvertes et de rencontres (pas la peine d'aller au bout du monde pour ça...).

Je pars ce soir pour quelques jours de vacances à la plage !
Ma destination : Ngwe Saung ('La plage d'argent', ainsi dénommée pour son sable blanc).

Le bus part ce soir à 21 heures et nous devrions atteindre Ngwe Saung à 4 heures du matin.
Apparemment, la plage n'est située qu'à 80 km à vol d'oiseau de Yangon, je vous laisse donc faire les calculs pour trouver notre vitesse moyenne...
On m'a prévenu que le trajet était 'intéressant', surtout de nuit... Le voyage de retour se fera de jour de manière à pouvoir profiter du paysage pendant la traversée de cette région du delta de l'Irrawaddy.

Peut-être ce voyage sera-t-il l'occasion d'un autre billet sur ce blog... En attendant, deux billets sont déjà en cours de rédaction et je profiterai de ces quelques jours de repos pour les terminer. Je les mettrai en ligne début janvier... Il y sera question de voyages immobiles et d'artistes capillaires.

Bonnes fêtes à tous !

Cédric

mardi 17 décembre 2013

Du riz et des jeux...



Un soir de la semaine dernière, je suis tombé sur la retransmission en direct de la cérémonie d’ouverture des « SEA Games » , les jeux d’Asie du Sud-Est.



Le slogan de ces jeux. A gauche, une représentatin des différents états composant
l'Union du Myanmar
Feu d'artifices final dans le stade Wunna Theikdi
L’idée d’organiser ces jeux s’est concrétisée en 1958, avec l’objectif annoncé de promouvoir l’amitié entre les nations d’Asie du Sud-Est. La Thaïlande fut le premier pays à accueillir ces jeux.

Cette année, c’est à la Birmanie que revient cet honneur. Le pays avait déjà été l’hôte des jeux en 1961 et en 1969 et ceux-ci s’était alors tenus à Yangon, encore capitale du pays.
Cette année, c’est à Naypyitaw, la nouvelle capitale dont j’ai parlé dans d’autres articles, que la plupart des événements ont lieu.

Ces jeux auront d’ailleurs été l’occasion pour les autorités de se relancer dans une vague de construction dans cette jeune capitale qui se cherche encore. Ainsi, la cérémonie d’ouverture a eu lieu au stade Wunna Theikdi, le plus grand du pays, récemment construit par le consortium détenu par U Zaw Zaw, un des cronies les plus puissants du Myanmar, dont le groupe a également construit le stade Zeyar Thiri et le stade de football de Mandalay.
Le stade Wunna Theikdi est censé répondre à toutes les normes internationales et propose 30.000 places, ainsi que 500 places VIP.

Une majorité des événements sportifs se dérouleront donc à Naypyitaw, l’occasion de faire connaître davantage cette ville aux pays voisins et de leur en mettre plein la vue. Certaines rencontres, telles que la lutte, le hockey, le bodybuilding et certains matchs de football, auront lieu à Yangon et Mandalay. Ngwe Saung, station balnéaire située sur la baie du Bengale, abritera la compétition de voile.

Le gouvernement voit dans l’organisation des jeux l’occasion de promouvoir une image positive du Myanmar, de sa culture, de ses traditions et de ses beautés naturelles. La cérémonie d’ouverture a d’ailleurs reflété tous ces thèmes. Ils sont aussi vus comme une bonne occasion de promouvoir le tourisme et de booster l’économie.


KBZ, un des puissants groupes appartenant à un crony. Banque,
compagnies aériennes, etc.


Le pays a choisi le slogan ‘Green, Clean and Friendship’ (‘Vert, propre et amitié’)  pour cet événement. Le Myanmar a toutefois fait preuve de peu de fair-play en ce qui concerne le choix des disciplines représentées à ces jeux. C’est en effet au pays organisateur que revient le choix des sports auxquels les pays voisins se mesureront. Et il est évident que les organisateurs  ont choisi les disciplines dans lesquelles ils avaient le plus de chance de remporter un maximum de médailles.

Ainsi, des sports populaires dans la région tels que le tennis, le beach volley et la gymnastique ne font pas partie du programme tandis que des sports traditionnels ici au Myanmar mais peu ou pas pratiqués ailleurs ont été inclus. Il s’agit par exemple du kempo et du vovinam (deux arts martiaux populaires uniquement au Myanmar, au Cambodge et au Laos) et le chinlone, la version birmane d’un jeu de balle inconnue dans les pays voisins !

La plupart des événements ont lieu à Naypyitaw et je n’aurai donc pas l’occasion d’y assister.
Impossible par contre d’échapper au marketing autour de cet événement. Depuis plusieurs mois, Yangon vit en effet au rythme de ces jeux et les mascottes des jeux vous poursuivent partout…














mercredi 11 décembre 2013

A la kermesse...


Il y a quelques semaines, je suis tombé un peu par hasard sur une kermesse dans le centre de Rangoun.
Je pense que c'était lié à la pleine lune qui tombait ce week-end là.
Les jours de pleine lune sont régulièrement fériés ici.

A la kermesse, beaucoup de stands où étaient préparés divers snacks frits dont les Birmans sont friands. Mais également des endroits où tester ses aptitudes au lancer d'élastiques, où se faire tatouer, etc.

Le plus impressionnant, la grande roue. A défaut de source d'électricité fiable et régulière, c'est à la force des bras et des jambes que la roue tourne, parfois à une vitesse incroyable.
Des hamsters humains grimpent avec une agilité déconcertante pour, sous leur propre poids, entraîner la roue pour le plus grand plaisir des familles et groupes d'amis qui y ont pris place.

De véritables acrobates casse-cous dont le moindre faux-pas peut avoir des conséquences désastreuses.

Je suis resté scotché à ce spectacle pendant plus d'une heure...

Un reportage photo est disponible sur le page facebook liée à ce blog...
https://www.facebook.com/CedricEnBirmanie

mardi 3 décembre 2013

Kimchis et K-pop (pas de karaoké...) - Suite de 'Petits arrangements entre dictatures



Je vous ai récemment expliqué que j’avais par hasard appris l’existence d’un restaurant nord-coréen à Yangon. Il fallait bien sûr que j’aille voir ça…

D’accord, fréquenter cet établissement revient d’une certaine manière à cautionner le régime en place à Pyongyang et certains, par principe, ne le feraient pas.

Le même dilemme s’impose lorsque l’on voyage ou que l’on vit en Birmanie. Difficile en effet d’éviter de remplir les poches des généraux ou de leurs affidés qui contrôlent de larges pans de l’économie. Il n’est pas toujours possible de boycotter les magasins, hôtels ou compagnies aériennes appartenant à l’un ou l’autre crony…

Je suis donc allé voir de quoi il en retournait, bien conscient qu’une partie substantielle de l’addition servirait directement à financer le régime stalinien de Kim Jong-un, fils cadet de l’ancien leader Kim Jong-Il, lui-même fils de l’ancien président Kim Il-sung…

L’établissement en question est situé dans une rue connue pour ses nombreux restaurants. Un peu en retrait de la voirie, aucun signe ostentatoire ne distingue ce restaurant. Pas le moindre drapeau ou effigie du leader adoré de son peuple.

Il en est de même à l’intérieur du restaurant. Accueillis par deux beautés diaphanes au maquillage assorti à leurs vêtements traditionnels colorés, on nous mène à une grande salle à manger.

Celle-ci, rectangulaire et d’une dimension d’environ vingt-cinq mètres par dix, est très sobrement meublée de deux longues tables parcourant presque toute la longueur du restaurant. Contre le mur côté sortie, quelques tables de quatre et une sorte de plan de travail où les serveuses viendront apporter la touche finale aux plats qu’elles serviront aux convives.

Les deux longues tables sont déjà bien occupées et l’on nous installe à une petite table un peu à l’écart (Le sort réservé aux Occidentaux ?) Sur les deux longues tables ont en effet pris place des Birmans et je me demanderai durant toute la soirée s’ils font partie d’un même groupe ou s’il s’agit de différentes familles ou cercles d’amis qui ont été attablés de la sorte.

La décoration de la salle est particulièrement sobre. Sur les murs blancs, aucun slogan à la gloire du grand leader ou de ces adulés prédécesseurs, ni propagande divulguant les beautés ignorées de ce pays méconnu. Seule à venir briser la monochromie du mur, une petite affiche indiquant qu’il est interdit de prendre des photos… Bienvenue en Corée du Nord.

A l’avant de la pièce, à côté de la porte menant, je suppose, aux cuisines, une estrade de quelques mètres de large derrière laquelle une épaisse tenture occulte le mur où ce qui se passe entre celui-ci et la scène.

Comme dans tous les restaurants du monde, on vient nous présenter le menu. Contrairement à l’habitude locale, l’impassible serveuse nous laisse seuls pour choisir les pats et attendra que nous lui fassions un petit signe pour venir prendre notre commande. S’agit-il là de limiter au maximum les contacts ?

Au menu, rien de bien différent des restaurants sud-coréens que j’ai eu l’occasion de visiter. « Hot pots », nouilles froides et surtout, kimchis, jouent les vedettes sur le menu agrémenté de photographies. Le kimchi, plat traditionnel composé de légumes fermentés (souvent du chou chinois) et de piments, occupe en effet une place de choix dans la gastronomie coréenne et on m’a certifié qu’un Coréen était incapable de digérer quoi que ce soit si ne figurait pas à son repas au moins un aliment fermenté.

Hot pot de tofu et kimchi, pousses de moutarde et riz blanc


Pendant que nous attendons les plats commandés, j’ai tout le loisir d’observer mon entourage.
L’ambiance est assez conviviale parmi les deux grandes tablées et la bière semble couler à flot. Une majorité d’hommes, s’agirait-il de groupes d’hommes d’affaires venant ici fêter la signature d’un contrat faramineux ?

Aucun homme par contre parmi le personnel du restaurant, une bonne quinzaine de serveuses, toutes empaquetées dans leur costume traditionnel (je repère au moins quatre costumes différents. S’agirait-il de tenues régionales ?) accumulent les kilomètres de leurs petits pas pressés.

Le tout se déroule sous le regard féroce d’une matrone pansue, toute de noir vêtue, qui ne quitte que rarement son mirador d’où rien ne semble lui échapper.

J’en viens à me poser la question du quotidien des jeunes filles. Sont-elles des privilégiées du régime ou au contraire, reléguées ici, loin de leur famille ? Travaillent-elles sept jours sur sept ou ont-elles droit à des jours de congé ? Et si elles ont des jours de repos, sont-elles alors libres de sortir de l’enceinte du restaurant ? Auquel cas, il leur serait facile de rejoindre l’ambassade sud-coréenne située à quelques kilomètres pour y demander l’asile… Au risque probablement de faire disparaître toute la famille restée au pays ?

Je m’interroge alors de ce qui se passerait si un client parlant coréen commençait une conversation avec l’une d’elles, ou même lui passait discrètement un message écrit. Est-ce que le cerbère de faction fondrait immédiatement sur la malheureuse ? Ou peut-être celle-ci serait dûment châtiée plus discrètement et plus cruellement une fois son service terminé ?

Je ne peux m’empêcher de m’imaginer en preux chevalier élaborant un projet astucieux pour, au nez et à la barbe de la matonne, prendre sous chaque bras deux ou trois de ces donzelles captives pour, après une poursuite échevelées à travers les ruelles sombres de Yangon les mettre à l’abri de l’asservissement et leur permettre de s’épanouir enfin dans le monde libre.

Je n’en ferai bien sûr rien et me bornerai, en guise de soutien moral, à être aussi aimable, souriant et courtois que possible avec les serveuses, qui n’auront aucun regard pour moi.

Mes rêveries et fantasmes héroïques sont tout à coup interrompus par une explosion musicale éructée par la sono installée sur la scène à quelques mètres de moi. Une sorte de K-pop électronique vient en effet assourdir tous les comparses présents et empêcher toute conversation.

Une des serveuses monte alors sur l’estrade, s’empare du micro et, tandis que la cacophonie s’interrompt, commence à ânonner d’un air peu inspiré un texte visiblement appris par cœur.
Il s’agit de toute évidence de coréen et à part le personnel, je me demande bien qui peut comprendre un traître mot de ce qui nous est annoncé.

Son oraison terminée, la serveuse descend de l’estrade pour reprendre son service comme si de rien n’était, tandis que deux de ses collègues montent sur scène et se lancent, avec un joli brin de voix, dans une chanson lyrique que j’imagine être une ode à la gloire du bien aimé dirigeant de la nation.

Tandis que les deux rossignols s’époumonent, leurs collègues, dans un ballet maintes fois répété, distribuent parmi les tables de gros bouquets rutilants de fleurs synthétiques. Ne sachant trop que faire de l’imposante gerbe, nous la déposons sur une chaise vide à côté de nous et attendons la suite des événements.


Une des serveuses nous servant notre 'hot pot'. A ses côtés,
le bouquet dont je ne sais encore que faire...


Alors que tout le monde poursuit son repas, les numéros se succèdent sur la scène, alternant chansons à la guimauve et morceaux plus rock, pas de danse endiablés et valses mâtinées de gestuelle tout asiatique.

Nous nous amusons à tenter de reconnaître parmi les interprètes qui se relaient les différentes serveuses que nous avons vues circuler entre les tables quelques minutes auparavant.

Le mystère des bouquets de fleurs s’éclaircit rapidement. Un à un, des hommes s’approchent en effet de la scène, parfois en titubant dangereusement, pour offrir à l’artiste qui l’aura particulièrement ému, la preuve de l’admiration qu’elle lui inspire. Chaque bouquet est offert sous les applaudissements et les ovations des commensaux de plus en plus excités.
Lorsque je me rends compte qu’une des chanteuses n’a toujours pas reçu de bouquet alors que sa rengaine sirupeuse semble toucher à sa fin, je me précipite pour lui dédier la magnifique composition florale en plastique dont il est maintenant temps que je me débarrasse au cas où le concert s’achèverait d’ici peu.  Mon geste est également accueilli par les vivats des hôtes tandis que je m’empresse de regagner ma place.


Votre humble serviteur faisant offrande d'un bouquet de fleurs
à la chanteuse transportée de joie...

Petite anecdote amusante, tandis que j’arrive à prendre quelques photos du spectacle sans attirer l’attention grâce à mon smartphone, une dame se fait admonester par l’une des serveuses tandis qu’elle essaie d’immortaliser l’instant au moyen de son encombrante tablette.


Interdiction de prendre des photos !
C'est pourtant affiché sur le mur en face de madame !

Je retire énormément de satisfaction à avoir déjoué la vigilance de la milice nord-coréenne et à repartir ce soir avec les quelques clichés flous que je partage ici…


Le spectacle se termine comme il aura commencé, avec ce que j’interprète comme une ode au « Prince de l’étoile du matin » ou à la bien-aimée mère-patrie et sous les applaudissements des convives grisés.

Mon repas touche à sa fin également. Le hot pot au tofu et le kimchi, bien que goûteux et plus que corrects, ne seront pas les faits marquants de cette soirée. Plus qu’un voyage gastronomique, c’est l’expérience culturelle que je retiendrai de cette soirée au pays  du « Grand Héritier ».

Expérience culturelle qui se prolongera un instant au moment où l’on nous présente l’addition et où je me rends compte que le splendide bouquet artificiel que j’ai gracieusement offert à la diva délaissée m’est facturé 10000 Kyats (l'équivalent d'environ 8 euros), ce qui représente plus du quart de l'addition totale.

La facture, avec, en avant-dernière ligne,
les 10.000 Ks qu'aura coûtés le bouquet...

Je me demande ce qu’il en aurait été si j’avais décidé de ne pas faire part de mon idolâtrie pour la chanteuse esseulée et de garder sur la chaise l’immonde bouquet en toc !


mercredi 27 novembre 2013

Petits arrangements entre dictatures...


Quel privilège absolu d’habiter à Rangoun.

Je mettrais ma main à couper que vous pouvez trouver à New York, Londres ou Paris des restaurants laotiens, quechuas, kurdes voire frisons ou du Lesotho. Mais je mets despotiquement au défi quiconque parmi vous d’y dégotter un établissement totalitairement unique comme celui où j’ai diné il y a quelques semaines.

Mieux, je suis prêt à parier autocratiquement qu’aucun de vous n’a pu goûter cette cuisine qui s’est autoritairement imposée à moi.

Plus fort, s’il vous sera tyranniquement impossible de dénicher un restaurant où vous délecter de cette tambouille, il vous sera presque aussi ardu d’aller à la source de ce graal, apanage réservé à quelques élus triés sur le volet.

En effet, Rangoun est l’un des seuls endroits au monde où l’on peut déguster cette cuisine exclusive et réservée à certains happy few, la cuisine nord-coréenne…

Rangoun et la Corée du Nord mises à part, c’est en Chine, au Cambodge ou à Vientiane (Laos), autres hauts lieux des droits de l’homme, qu’il faudra vous rendre si l’envie d’y goûter vous prend. J’ai cru comprendre qu’une nouvelle ouverture était prévue à Moscou. Qui osera encore affirmer que le Russie n’est pas ouverte à la diversité !

C’est en discutant cuisine coréenne avec une amie canadienne (eh oui, elle a épousé un citoyen du dragon asiatique et a habité sept ans à Séoul) que j’ai appris l’existence de ce restaurant nord-coréen.

Les Coréens sont très présents en Birmanie, il s’agit bien évidemment de Sud-Coréens, et les restaurants coréens sont donc assez nombreux à Rangoun.

Mais ce sont les liens particuliers qui unissent les gouvernements birmans et nord-coréens qui expliquent cette présence curieuse et presque saugrenue d’un des rares restaurants nord-coréens expatriés ici à Rangoun.

Des liens assez forts rapprochent en effet les deux Etats-parias depuis les années 70. Malgré une interruption temporaire de ces relations suite à l’attentat orchestré à Yangon en octobre 1983 par Pyongyang – l’explosion d’une bombe  résultat alors en la mort de 21 personnes dont 17 représentants du gouvernement sud-coréen – les deux pays ont de fait trouvé l’un en l’autre un partenaire idéal pour pallier les sanctions internationales imposées par l’Occident. Tandis que Pyongyang fournissait de l’équipement militaire et son expertise en matière de constructions de tunnels et autres bunkers, le Myanmar procurait des tonnes de riz à son allié affamé… Ces années de coopération sont loin d’avoir pris fin. En novembre 2008, elles ont même été officialisées lors de la visite que le Général Thura Shwe Mann (alors numéro 3 du régime militaire et aujourd’hui président du Parlement national) rendit au Général Kim Kyoksik, chef suprême de l’armée nord-coréenne.

Même si le Myanmar en entretemps entrepris un large mouvement d’ouverture vers le reste du monde, ce petit commerce entre amis perdure. Le pays a en effet toujours pris soin de préserver un équilibre et, étant donné les années d’hostilités avec l’occident et la méfiance inspirée par son grand voisin du nord, le gouvernement estime probablement qu’il n’y a pas lieu de se jeter corps et âme dans les bras des Etats-Unis et/ou ceux de la Chine et de couper les liens avec ce vieil allié nord-coréen, jusqu’à présent, le plus fiable et durable fournisseur…

Ma curiosité ayant été piquée par cette conversation, j’ai décidé que je ne pouvais pas laisser passer cette occasion de goûter à la cuisine nord-coréenne et me suis donc rendu au fameux « Pyongyang Koryo restaurant »...

(les détails de cette escapade culinaire dans quelques jours…)

dimanche 17 novembre 2013

Mon nom est Oakkar (à prononcer 'okar' mais sans faire la liaison s'il vous plaît !)


Il y a environ un mois, j’ai fait la connaissance d’un jeune Birman via un ami commun.
Il s’est présenté à moi comme ‘Patrick’. Devant mon étonnement face à ce prénom occidental, il m’explique qu’il a étudié à Singapour et qu’il était tout naturel pour lui de prendre un nom occidental.

Sur ce, il me demande « Et toi, quel est ton nom birman ? ».  « Mon nom birman ? euuuuuh….. »
Pour Patrick, il allait de soi que si, je comptais rester au Myanmar pendant quatre ans, j’aie un nom birman.

L’idée me plut immédiatement. Mais comment choisir ce prénom ? La plupart des Birmans semblent avoir plusieurs noms, que l’on ne peut identifier comme un nom associé à un prénom.

Traditionnellement, les Birmans choisissent le nom de leurs enfants en fonction du jour de leur naissance. A chaque jour de la semaine sont en effet associées certaines lettres de l’alphabet. Ainsi, chaque Birman sait quel jour de la semaine il est né (vous le savez, vous ?) et il est facile de savoir quel jour est né quelqu’un que vous rencontrez.

Par exemple, les personnes nées un lundi auront souvent pour prénom Kyaw, Khin, Kyin ou Kyi (‘Ky’ se prononce ‘Tch’) ; les personnes nées un mardi s’appelleront Sann, Su, Soe, Nyi, Nyein ou Zaw ; les personnes nées un mercredi s’appelleront Shwe (qui signifie ‘Or’, comme le métal), Li, Win, Hla, … ; les personnes nées un jeudi recevront le prénom Maung, Myint, Myo, et ainsi de suite.

Les noms birmans seront donc composés d’une combinaison de ces prénoms. Une fille née un jeudi s‘appellera par exemple Myint Myint Sann parce que le jeudi et le mardi sont des jours compatibles.

Outre ce système lié au jour de la naissance, de nombreux Birmans consulteront un astrologue au moment de ‘baptiser’ un enfant. Le sage les aidera, en fonction du moment exact de la naissance de l’enfant, à choisir le nom le plus favorable et prometteur pour celui-ci.

Selon ce système, le nom des parents n’a aucune influence sur celui des enfants. Un monsieur Myo Myint Aung pourra choisir d’appeler son fils Aung Win et sa fille Myint Aye Phyo pour faire référence à l’un de ses propres prénoms mais rien ne l’y oblige. Cela peut bien sûr avoir des désagréments dans la mesure où cette absence de nom de famille rend difficile l’établissement des liens familiaux si on ne connait pas l’arbre généalogique de la personne. Jusqu’il y a peu les Birmans étaient assez sédentaires et on pouvait déterminer l’identité complète de la personne en parlant par exemple de « Aye Chaw Thant Thant, la fille de monsieur Win Win Aung et madame Kay Khine Myint, du quartier Kamayut ». Cela est bien sûr moins évident aujourd’hui à l’heure de la mobilité accrue.

Lorsque des Birmans complètent un formulaire administratif, il est courant qu’on leur y demande d’indiquer le nom de leurs grands-parents, parents, oncles, tantes, frères et sœurs. Les étrangers établis ici ont ainsi parfois la surprise de se voir demander les noms de tous leurs parents, ne comprenant pas la nécessité de le faire dans la mesure où tout le monde a bien sûr le même nom de famille…

Comme la liste des prénoms couramment utilisés est relativement courte, il sera courant dans une grande entreprise par exemple d’avoir plusieurs Kyaw Maung ou plusieurs Aung Win. Dans certains cas, on leur attribue donc un numéro pour se retrouver dénommé ‘Kyaw Maung 4’ sur les lieux de son travail par exemple…

Une difficulté supplémentaire qui se pose avec l’ouverture du pays au monde, c’est que les formulaires d’enregistrement (pensez par exemple à votre adresse e-mail, à votre demande de carte Visa, etc.) prévoit systématiquement une case pour le prénom et une autre pour le nom. Choix cornélien pour Monsieur Soe Moe Htet au moment de compléter les cases prévues…

Mais revenons à  mon cas… Comment choisir mon prénom ? Patrick avait la solution. « C’est simple, va voir l’astrologue Saya San Zarni Bo. Il te dira quel est ton prénom birman ! ».

Rendez-vous fut donc pris.

En discutant avec des amis birmans, il apparut rapidement que l’astrologue en question est une sommité et qu’il a même sa propre émission de télévision.

Le jour venu (il y a des horaires prévus spécialement pour les étrangers…), je me rends donc chez le maître (‘Saya’ veut dire ‘maître’ ou ‘professeur’). Je ne connais pas du tout le quartier et, ne disposant que d’une adresse assez vague, je m’en étais inquiété auprès d’une amie.
« Pas d’inquiétude à avoir m’avait-elle répondu, le chauffeur de taxi connaîtra. » Et il en fut ainsi. Quand je donne l’adresse au taxi, celui-ci me décoche un grand sourire et me répond « Saya San Zarni Bo ! ».

Alors qu’en Occident, consulter un voyant ou un astrologue suscite généralement ricanement ou atterrement, cela semble tout à fait naturel et normal ici.

Le taxi me dépose devant la demeure du maître. Une maison ce qu’il y a de plus classique dans une rue comme il en existe des centaines à Yangon. 

Les affaires du maître semblent prospérer. Plusieurs personnes sont assises à l’entrée de la maison, semblant attendre leur tour.

Il est 14 heures, j’ai rendez-vous à 14h30. A peine arrivé, une employée très amène vient m’accueillir et m’invite à m’asseoir au petit bureau installé dans un coin sombre de la réception. Tandis que je m’assois, une dame occidentale, la cinquantaine, sort d’une pièce adjacente et semble éviter mon regard, peut-être de peur que je la reconnaisse.

La jeune femme qui m’a accueilli me demande d’inscrire mon nom et ma date de naissance sur une grande feuille de papier. Je la vois ensuite ouvrir un gros livre (grimoire ?) reprenant le calendrier des dernières décennies. Je sais ce qu’elle va y chercher et lui annonce fièrement « Je suis né un dimanche ». Elle sourit légèrement sans lever la tête vers moi, vérifie quand même son recueil pour me confirmer cela en ajoutant « Good… Very good ».

Cela est donc de bon augure pour moi ! Elle me demande alors de lui présenter la paume de mes mains qu’elle enduit généreusement d’encre noire au moyen d’un petit rouleau qui me chatouille les doigts. Elle prend ensuite mes mains, les retourne et les presse contre la grande feuille de papier buvard sur lequel mon nom est inscrit. Elle me réprimande gentiment quand je montre trop d’entrain à appuyer, me demandant de la laisser faire et de ne pas exercer de pression sur le papier. Elle me désigne ensuite du doigt le petit lavabo installé dans la sorte d’antichambre extérieure que j’ai traversée en arrivant. C’est entouré d’orchidées multicolores que je me frotte les mains avec le savon et le morceau de tissu râpeux laissés là à cette intention.

De retour devant mon interlocutrice, je m’aperçois qu’elle a tracé plusieurs lignes entre les empreintes de mes paumes et qu’elle a inscrit divers chiffres, lettre et symboles.


Elle me demande de patienter et disparaît derrière la porte par où était apparue la quinquagénaire gênée. Elle en revient quelques minutes plus tard, il n’est pas encore 14h30, et m’invite à pénétrer dans l’antre du maître…

Celui-ci, ventripotent, le crâne luisant comme une boule de billard, m’accueille chaleureusement avec un franc sourire et une bonhomie qui inspire immédiatement la sympathie malgré son œil blanc qui me déconcerte un peu au moment où s’engage notre conversation.

Je panique un instant en me rendant compte que je n’ai préparé aucune question ! Que lui répondre s’il me demande « Que puis-je pour vous ? » 
Cela ne sera pas nécessaire. A brûle pourpoint, il me demande « Comment dois-je vous appeler ? ».
Ouf…. « Justement, m’entends-je lui répondre, j’aimerais que vous m’aidiez à connaître mon nom birman ! ».
« Vous vous appelez Oakkar », me répond-il tout de go.
« Comment ? » (je n’ai jamais entendu ce nom auparavant !).
« Oakkar », me répète-t-il en m’épelant ce nom.
« Mais, je pensais qu’étant né un dimanche, mon nom devait commencer par la lettre ‘A’ ».
« En effet, mais voici comment cela s’écrit en birman (il me l’écrit sur un morceau de papier). Cette lettre, peu utilisée en birman (c’est certainement pour cela qu’on ne nous l’a pas encore enseignée au cours de birman !) se retranscrit par un ‘A’ quand on romanise le birman. »



Je me refrène de lui demander pourquoi alors ‘Oakkar’ avec un ‘O’ et accepte mon nouveau nom qui, Saya San Zarni Bo me l’assure est un très beau nom, peu courant que mes amis birmans adoreront. Il évoquerait une étoile filante ou une comète…

Une fois cette révélation accomplie, mon baptême birman est rapidement évacué pour faire place à la soudaine logorrhée du maître.

Sans que je pose la moindre question, ce dernier se lance en effet dans un marathon de paroles comme s’il craignait de ne pouvoir exprimer verbalement la marée d’informations qui s’abat sur lui et qu’il lui faut absolument extérioriser dans un flot ininterrompu.

Me voilà donc en vrac informé des périodes de ma vie future qui seront favorables au développement de nouvelles activités - dates précisées années par années -, des mois de naissance des gens avec qui je m’entendrai le mieux et dont je pourrai faire des partenaires en affaires et en amour (ne voit-il pas que je porte une alliance ?), des jours de la semaine à privilégier pour de prochains voyages, des pays qui me seront bénéfiques et où j’ai intérêt de m’installer, des pierres et des couleurs qui me correspondent, etc. etc.

Le flux continu de divulgations est tel que je n’ai pas le temps ni la place pour tout noter sur le morceau de papier que j’ai trouvé dans mon portefeuille (je suis décidemment venu bien mal préparé à ce rendez-vous).

Son monologue terminé, il vient alors de parler pendant vingt bonnes minutes sans jamais reprendre son souffle, il relève la tête et de son unique œil me cloue sur ma chaise d’un « Que voulez-vous savoir de plus ? ».
Euuuuh… Encore étourdi par tout ce qui vient de m’être administré, je ne trouve absolument rien à demander. De peur de vexer le sage, je jette subrepticement un coup d’œil furtif aux notes que j’ai prises et lui demande de préciser quelques dates que je n’ai pas eu le temps de noter.
« Tout se trouvera sur le CD » me répond-il d’un air agacé.

Le CD ? J’avais remarqué que Saya San Zarni Bo tenait quelque chose dans sa main durant tout son monologue, il s’avère que c’était un mini enregistreur et que c’est ça qu’il venait de donner à son assistante, passée en coup de vent il y a quelques minutes. Tout le soliloque sera donc gravé sur CD…

Pour faire bonne figure, je pose une ou deux questions, demandant plus de précisions quant à des informations qu’il vient de me donner. Il faut apparemment que je surveille mes reins, surtout dans ma 48ème et ma 52ème année. A part ça, pas trop de problèmes et je devrai vivre jusqu’à 86 ou 87 ans… Je me demande s’il y a des voyants qui prédisent une mort prématurée à leurs clients mais n’ose évidemment pas lui demander si cela a déjà été son cas…

Quelques civilités sont échangées jusqu’à ce que l’assistante du maître revienne avec en main le CD qui vient d’être gravé. Je la remercie en me levant, remercie le maître devant lequel je m’incline respectueusement et sors de la pièce où toute ma vie à venir vient de m’être détaillée…

Détail cocasse, le lendemain, je croise le chemin du chauffeur de taxi qui m’avait emmené chez Saya San Zarni Bo. Celui-ci me reconnaît et me demande « Saya San Zarni Bo ? ». Je lui réponds d’un pouce levé que toutes les prédictions sont positives, ce qui le fait rire…

Cette rencontre a eu lieu il y a un peu moins d’un mois maintenant. Je n’ai jamais écouté le CD ni même relu mes notes. Je vais le faire de ce pas…

jeudi 7 novembre 2013

"Birmanie ou Myanmar ? Le vrai faux débat francophone"

 

Ci-dessous, un article reçu de l'ambassade de France. Il répond à des questions que l'on m'a posées, peut-être vous intéressera-t-il... J'ai bien aimé les petites querelles franco-anglaises qui apparaissent en filigrane de l'article.

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En 1989, le gouvernement militaire décida de rebaptiser le pays en modifiant le nom anglais jusqu’alors utilisé : Burma devint Myanmar. D’autres noms de lieux ont connu une évolution comparable : Rangoon est devenu Yangon ; Moulmein, Mawlamyine ; Irrawaddy, Ayeyarwady ; et Maymyo, Pyin Oo Lwin ; etc.

Cette « birmanisation » poursuivait un triple objectif :
-  rompre définitivement le lien psychologique avec le passé colonial ;
-  inscrire le régime dans la continuité historique du « pays des premiers habitants », signification vernaculaire du terme Myanmar ;
-  affirmer indirectement la diversité de la nation, le terme Myanmar étant censé représenter une entité plus large que celle désignée par le mot Burma, formé par les Britanniques à partir du terme Bamar, désignant l’ethnie majoritaire.

Cette réforme n’a rien changé pour les Birmans eux-mêmes qui désignaient déjà en birman leur pays sous le terme Myanmar. Nombre d’ethnies qui coexistent en Birmanie disposent toutefois de termes propres pour désigner une entité nationale à laquelle leur culture et donc leur langue ne les rattachent pas nécessairement. Ainsi la plupart des minorités ethniques ne s’est pas reconnue dans le terme Myanmar, tant pour des raisons historiques liées au rôle jadis dévolu à certaines d’entre elles par les colons britanniques que pour des raisons politiques.

C’est précisément autour de lignes politiques que s’est cristallisée à partir de 1989 la fracture entre ceux qui utilisent le nom Myanmar et ceux qui ont revendiqué le maintien du terme Burma en signe d’opposition au gouvernement. Même si le régime birman a changé depuis 2011, et si le camp des « pro-Burma » tend à s’effriter dans le monde anglo-saxon, l’utilisation du terme Burma reste l’apanage des opposants historiques à l’instar de la Ligue Nationale pour la Démocratie (L.N.D.) et d’un certain nombre d’associations militantes étrangères ou birmanes en exil.

Ce débat terminologique a conduit à des clivages caricaturaux dont le compromis retenu par l’Union Européenne - qui désigne le pays dans tous ses documents officiels en anglais sous le terme de Burma/Myanmar - illustre à la fois la complexité et la relativité.

Devenu idéologique, ce débat doit toutefois être replacé dans son contexte linguistique. Seul l’anglais est concerné. La réforme de 1989, qui ne concernait pas le birman, ne s’appliquait pas non plus aux autres langues étrangères. Elle n’avait ni la vocation ni l’ambition de procéder à une « birmanisation » universelle du nom du pays, aspiration qui eut été au demeurant irréaliste. Si certaines langues comme le japonais qui utilisait traditionnellement le terme ビルマ ont introduit une traduction phonétique du mot Myanmar (ミャンマー), la plupart continue à utiliser les termes d’origine à l’instar du chinois (缅甸) ou du russe (Бирма).

C’est également le cas du français. Contrairement à ce que pensent certains, le fait de parler de la Birmanie n’est ni une prise de position idéologique, ni une méconnaissance des usages locaux, et encore moins un manque de respect à l’égard du gouvernement ou du peuple birman. Il s’agit simplement du reflet d’une constante dans la langue française qui veut que l’utilisation d’un mot d’origine étrangère - en l’occurrence Myanmar- ne s’établisse dans la durée qu’au terme d’un usage aussi large que régulier résultant d’un équilibre entre la phonétique, la pratique et la logique, étape qui n’a pas encore été franchie par le mot Myanmar comme l’illustre par exemple l’absence de dérivés. Ainsi nul n’a jamais entendu parler des « Myanmarais » pour désigner les habitants du pays. (De fait, parler du Myanmar pour désigner le pays, mais des Birmans pour qualifier ses habitants, n’est pas sans poser problème, surtout si l’on se réfère à l’étymologie de chacun de ces termes...)

La Commission générale de terminologie et de néologie, organisme français dont la vocation est de favoriser l’utilisation de la langue française, et de participer au développement de la francophonie, a consacré l’usage du terme Birmanie, ce qui a été accepté sans aucune difficulté par les autorités birmanes. L’Ambassadeur de France est ainsi accrédité auprès de la République de l’Union de Birmanie, et tous les documents officiels bilingues -français-birman-, notamment les accords inter-gouvernementaux, utilisent dans leur version française le terme Birmanie.

Le terme Myanmar n’en reste pas moins utilisé par certains Français lorsqu’ils parlent dans notre langue. C’est notamment le cas de la communauté française installée dans le pays de longue date habituée à la mixité linguistique liée à la coexistence de l’anglais et du birman. Plus récemment, c’est également le cas des milieux d’affaires, plus enclins à utiliser l’anglais que le français comme langue de travail. Même si elle n’est pas conforme à la pratique officielle et à l’usage francophone –le terme Myanmar est un anglicisme en français – cette pratique est parfaitement admissible. En revanche, elle ne peut en aucun cas être considérée comme un « positionnement politique » qui n’a pas lieu d’être en français, et encore moins comme une prescription.

En résumé, si les deux termes –Birmanie et Myanmar- sont admissibles dans la langue courante, et ceci sans aucune connotation, seul le terme Birmanie appartient à la langue française, au même titre d’ailleurs que le nom Rangoun, par opposition à Yangon qui ne relève, pas plus que Rangoon, du registre francophone.

A l’heure où de plus en plus de Français s’installent en Birmanie, on ne peut que souhaiter que le plus grand nombre apprennent le birman, opportunément enseigné, et ceci avec succès, à l’Institut Français de Birmanie (I.F.B.). Quant à la promotion de la francophonie qui demeure un défi dans un pays comme la Birmanie, l’Ambassade ne peut qu’inviter tous ceux qui sont sensibles à cette cause à y contribuer.

Si renoncer à l’utilisation française du terme Myanmar, qui entrera peut être un jour dans les usages francophones, serait ridicule car elle correspond déjà à une réalité, marginaliser le terme Birmanie serait tout aussi condamnable car totalement infondé. Chacun est bien évidemment libre de choisir sa pratique, mais tous se doivent de le faire en connaissance de cause. Quant aux polémiques anglophones, notre langue n’a pas vocation à y contribuer, ce qui n’empêche pas la diplomatie française de se faire entendre en anglais lorsque cela est nécessaire, mais ceci est un autre débat…

publié le 30 octobre 2013

mardi 5 novembre 2013

Excursion de l'autre côté du fleuve...


On a tendance à l’oublier mais Yangon est entourée d’eau.

Le week-end dernier, nous avons décidé avec quelques amis d’aller voir ce qui se passait de l’autre côté. Un ferry relie le centre-ville historique de Yangon à Dalah, petit village situé sur l’autre rive. Un quart d’heure suffit pour arriver de l’autre côté, dans un autre monde…

C’est en effet la campagne et la vie de village qui se déroulent juste de l’autre côté de ce bras de l’Irrawaddy.

A peine débarqués, nous avons loué les typiques motos asiatiques et nous sommes élancés vers Twante, située à une trentaine de kilomètres de là.

Un reportage photos vient d’être publié sur la page publique Facebook liée à ce blog…


mercredi 30 octobre 2013

Taung Kalat : des esprits ... et des singes (suite de 'Visite au Mont Popa, la demeure des nats')



La nuit aura été particulièrement reposante dans cette chambre à l’odeur de bois et à la fraîcheur bienvenue.



C'est donc tôt le matin que j'emprunte le petit sentier aménagé au milieu de la forêt tropicale qui recouvre les flancs du Mont Popa pour me rendre au pied du Taung Kalat. La descente ne prend qu’une bonne demi-heure mais est freinée par l’attention de chaque instant que je dois porter aux toiles d’araignées qui barrent le chemin. Ces toiles pratiquement invisibles ne sont repérables que grâce aux araignées qui veillent en leur centre. Très vite je ramasse un bâton que je brandis en étendard devant moi pour m’assurer de ne pas me retrouver avec une de ces dames aux corps fuselé et aux longues jambes effilées au milieu du visage.

Le sentier débouche bientôt sur la route menant au village. Il est facile de se guider tant la cheminée volcanique est visible de partout ici. Une activité typique règne dans le village qui s’agglutine au pied du Taung Kalat : échoppes de fruits, gargotes, marchands ambulants, ‘tea shops’ où les hommes prennent leur petit-déjeuner, magasins proposant toutes sortes d’articles destinés à être déposés en offrande, etc. etc.



J’arrive bientôt à la base de la protubérance volcanique où est située l’école du village. C’est alors que j’aperçois, courant sur les faîtes des bâtiments, non pas des garnements, eux sont bien sagement dans la cour de récréation, mais d’agiles petits singes. On m’avait parlé des macaques qui vivaient à Mount Popa mais je pensais qu’il faudrait un œil averti et une longue planque pour espérer apercevoir furtivement une ombre se déplacer dans les feuillages. Les quelques primates batifolant sur le toit de l’école n’étaient en fait que les premiers d’une longue série de représentants de ce petit peuple ici chez lui sur ce promontoire rocheux.


 




Une cour de récréation bien encombrée...



Cherchez l'intrus !


Ma première visite est pour la galerie des nats. Comme je l’ai expliqué dans un billet précédent (voir http://cedricenbirmanie.blogspot.com/2013/09/visite-au-mont-popa-la-demeure-des-nats.html ) , Mount Popa est considéré comme le lieu de résidence de nombreux nats et, bien que le bouddhisme ait supplanté le culte des nats, c’est surtout en tant que lieu de pèlerinage dédié aux nats que Mount Popa est révéré.

L’un des nats les plus honorés ici est Mae Wunna, dont le nom birman complet signifie "l’ogresse mangeuse de fleurs" (le nom ‘popa’ viendrait du mot sanskrit signifiant fleur). Mae Wunna vivait au Mont Popa et tomba un jour amoureuse de Byatta qui travaillait au service du roi Anawratha (celui-là même qui introduisit le bouddhisme en Birmanie). Byatta, sorte de super-héros aux pouvoirs extraordinaires, avait pour mission de cueillir des plantes et des fleurs pour le roi. Il faisait donc chaque jour l’aller-retour entre Bagan et le Mont Popa (distants d’une cinquantaine de kilomètres). Amoureux de Mae Wunna lui aussi, ses excursions prenaient de plus en plus de temps… Parfois, il lui arrivait même d’oublier de rentrer au palais. De la liaison de Mae Wunna et Byatta naquirent deux fils.

Le roi, qui désapprouvait la relation de son serviteur le fit exécuter et fit emmener ses deux fils à son palais. Mae Wunna en mourut de chagrin et devint, tout comme Byatta, un nat. Les deux fils grandirent et devinrent, à l’instar de leur père, des héros au service du roi. Ils périrent eux-aussi suite à leur désobéissance causée par leurs espiègleries et facéties d’adolescents turbulents. Eux aussi devinrent de puissants nats aujourd’hui vénérés.

Mae Wunna entourée de ses deux fils
Des offrandes leur sont faites
Les histoires de nats abondent, souvent violentes, parfois assez sordides, mais de temps en temps aussi mignonnes et paisibles. Ainsi, le nat qui porte le nom de ‘la petite dame à la flute’ est la gardienne et la compagne de jeux des enfants. A ce titre, c’est elle qui fait sourire les bébés et les enfants dans leur sommeil…  

Après avoir présenté mes hommages aux nats, j’entreprends l’ascension de la colonne volcanique, empruntant pour ce faire les 777 marches qui conduisent au sommet.

Partout, des singes batifolent autour des pèlerins et sautent d’un toit à l’autre, d’une marche à l’autre en frôlant parfois les visiteurs. Fâcheusement, les primates ne sont pas éduqués et leurs déjections jonchent les escaliers foulés par les nombreux pieds déchaussés (endroit religieux oblige) …


Heureusement, toute une troupe de sentinelles veillent au grain et nettoient sans arrêt (pourboires acceptés de bon cœur) les marches crottées.

Leur tâche ne s’arrête toutefois pas là. Ils sont en effet investis de la protection des visiteurs en s’assurant que les singes ne deviennent pas trop remuants ou tapageurs. C’est ainsi que j’assiste à plusieurs reprises à la véritable débandade d’un petit groupe de ces primates devenus trop agités qui, à la seule apparition de l’arme secrète que porte chacun des nettoyeurs, déguerpissent sans demander leur reste.

Un lance-pierre gardé à portée de main a en effet un impact immédiat sur la petite ménagerie qui disparaît dès le surgissement de l’engin qui doit avoir plus d’une fois infligé de cuisants souvenirs aux fesses des macaques trop téméraires…





J’ai tout de même vu un singe s’emparer du châle d’une dame qui, ne se laissant pas démonter, alla le rechercher en détournant l’attention du petit chenapan grâce à des friandises… Cela n’était-il pas l’objectif du singe dès le départ ?

L’ascension du Taung Kalat est moins difficile qu’elle n’en a l’air vue d’en bas. Les volées d’escaliers sont entrecoupées de nombreux petits temples et autres lieux de recueillement qui incitent à la flânerie et le petit plus apporté par les facéties des singes font vite oublier le dénivelé parcouru. La vue sur la plaine adjacente n’est pas négligeable non plus.


Scène de famille



Les escaliers abrités par un toit en tôle


Lui non plus n'est pas insensible au paysage


A mon retour en bas de la colonne, je retrouve les singes de l’école tandis que les enfants sortent de classe sans même leur jeter un regard. Imaginez l’effet qu’aurait eu une clique de singes sur les murs de votre école quand vous aviez huit ans ! ;-)



Alors que je remonte la rue, j’entends des cris derrière moi. Une femme qui venait d’acheter des fruits s’est fait chaparder son sac en plastique, prestement emporté par un singe. Le butin est rapidement partagé avec le reste du gang sous les rires des passants et de la malheureuse qui doivent pourtant avoir assisté à ce genre de scène des dizaines de fois…


Les gredins, fiers du méfait accompli, leur butin vite englouti.

Mais il en faut plus pour le démonter celui-là...