jeudi 20 juin 2013

Et pour vous monsieur, ça sera 8 ou 12 salles de bain ? (suite de 'Où es-tu Catherine ?)


Ca y est, j'ai commencé à chercher un logement ! 

Je me suis, pour ce faire, renseigné à gauche à droite pour connaître la manière de procéder. La communauté d'expatriés (principalement anglophones) présents à Yangon commence à s'organiser et l'information circule. C'est ainsi que j'ai déjà pu identifier un 'American Club', un 'Australian Club' et un 'English Club'. Je ne me suis pas encore hasardé à me rendre à l'une de leurs soirées (mon accent frenchie va-t-il me démasquer ?) mais de toute façon, quand je lis entre les lignes le programme de leurs soirées, je soupçonne lourdement qu'elles ne soient que des prétextes à beuveries et autres soûlographies destinées à rendre l'exil plus doux. La simple mention 'all you can drink' à côté du prix de l'entrée veut bien, à mon sens, dire ce qu'il veut dire, on paye 10 dollars pour boire un maximum en un minimum de temps. On ne me la fait pas à moi, je les connais les Anglo-Saxons ! Mais bon, je n'y suis pas encore allé, je ne voudrais donc pas porter de jugement hâtif. Ne reculant devant aucun sacrifice, j'expérimenterai certainement la chose un jour ou l'autre, afin de pouvoir en témoigner sur ce blog.

Toujours est-il que j'ai appris, via le YEC ('Yangon expat connection', un groupe google où je me suis inscrit afin de recevoir régulièrement les compilations de courriels qui le nourrissent)  et mes conversations avec d'autres expatriés arrivés depuis quelques mois que la meilleure façon de trouver un logement était de passer via un agent, également appelé 'broker'.

Ces agents, dont une partie a pignon sur rue (même si l'on ne peut pas vraiment parler d'agences immobilières dans le sens où nous l'entendons), se font fort d'être au courant de tout ce qui se loue à Yangon, de jouer les intermédiaires entre nous, étrangers paumés et analphabètes, et les propriétaires de biens et de nous présenter les petits bijoux qu'ils sont "les seuls à avoir débusqué et qui correspondent tout à fait à ce que nous désirons"....

Ca, c'est le discours qu'ils me tiennent une fois qu'ils m'ont ferré, moi, client (pigeon ?) potentiel, après avoir reçu de ma part un courriel détaillant concisément ce que je cherchais. En général, la réponse ne se fait pas attendre, qu'elle soit sous forme d'un courriel ou d'un appel téléphonique - je dispose maintenant d'une carte SIM birmane, donc d'un numéro où l'on pourra me joindre durant les 30 prochains jours, ensuite la carte, et le numéro associé, expire et je dois en acheter une autre...).

Et la réponse, c'est miraculeux, est à chaque fois la même, de l'ordre du  "Ca tombe bien, nous avons justement exactement ce que vous cherchez dans notre portefeuille".

Rendez-vous est donc rapidement pris (pour le jour même) avec Willy (nom fictif). Il vient me chercher à l'heure convenue à l'hôtel pour m'emmener sans plus tarder découvrir la perle rare qu'il a en exclusivité depuis ce matin-même. Inutile de dire qu'il s'agit là d'une occasion qui ne se représentera pas de sitôt, d'autant plus que le loyer annoncé, 2500 $, est bien inférieur à ce qu'on m'avait annoncé. Ha, je vais leur prouver moi à ces expatriés blasés qu'il suffit d'avoir les bons contacts pour trouver à se loger à un prix normal.

Après avoir dû chercher un peu l'entrée du bâtiment en question et passer quelques coups de fil (bizarre, le courtier qui m'emmène ne sait-il pas où se trouve l'appartement ?), on se retrouve devant la porte avec le propriétaire (à moins que ça ne soit un autre agent intermédiaire ?).

Passés la porte, nous commençons à visiter les lieux. L'occasion de se rendre compte que Willy  découvre l'endroit en même temps que moi... Il a beau essayer de faire illusion en me disant d'un air assuré 'Là, c'est la cuisine, là c'est une chambre', je ne suis pas dupe, il n'a jamais vu cet appartement auparavant.

Pour cette première visite, j'ai de la chance m'explique-t-il, il s'agit d'un appartement disponible immédiatement... C'est à dire, je l'apprendrai avec l'expérience des visites qui suivront, qu'on a tiré la chasse d'eau dans les toilettes et enlevé (ou caché dans un placard) les vieilles casseroles toutes noires et toutes grasses qui traînent habituellement sur la cuisinière au gaz qui a connu des jours meilleurs...

Manifestement pas la peine par contre de dégager les vieilles fripes, emballages vides et autres déchêts hétéroclites qui jonchent les coins de chaque pièce visitée, ni de débarasser les vitres d'années d'accumulation de poussière - après tout, de toutes façon, elles donnent sur un mur tout aussi gris à environ un mètre de distance..

Un rapide coup d'oeil à l'installation électrique située derrière la porte d'entrée finit de me convaincre qu'il vaudra peut-être mieux rester à l'hôtel encore un peu...


L'installation électrique, comme dirait Bashung
 "T'es belle comme un pétard qui attend plus qu'une allumette"

Malheureusement, avant de rejoindre le confort de l'hôtel il faut sortir du bâtiment, ce qui implique de reprendre l'ascenseur par lequel nous avons atteint ce douzième étage. Moi qui n'aime déjà pas les ascenseurs en général, j'ai des sueurs froides en m'enfermant à nouveau dans ce cercueil metallique qui tressaute sur sa crémaillère à chaque franchissement d'étage. Je n'ose pas imaginer ce qui se passe lorsqu'il y a une coupure générale d'électricité (de plus en plus courantes ces derniers jours à Yangon). J'ai bien envisagé un moment, au risque de provoquer l'incompréhension voire l'hilarité de mon accompagnateur, de descendre par les escaliers de secours mais de toute façon, l'accès en était cadenassé... Ce que Willy et le propriétaire de l'appartement ont tous deux eu l'air de trouver tout à fait normal... Je ne dis rien.


'Pearl condominium' ... Plus 'peur' que 'perle' en ce qui me concerne...

Arrivés vivants au pied de la tour infernale, et comme pour se faire pardonner du bouge mortel qu'il vient de me faire visiter, Willy me propose alors d'aller voir une maison qui devrait, elle, combler tous mes désirs. Il me semblait pourtant lui avoir expliqué que j'étais à la recherche d'un appartement. J'ose lui en faire la remarque le plus diplomatiquement possible, il marmonne quelque chose qui semble vouloir dire qu'il y a très peu d'appartements à Yangon et que ce qu'il me faut, foi de Willy, c'est une maison.
Bon, de nature confiante, et après avoir vu cet appartement, je me dis qu'il a peut-être raison.

Commence alors la tournée des maisons à louer... Je n'ose plus protester après avoir émis plusieurs fois les mêmes remarques au sujet des premières maisons visitées mais toutes seront du même acabit.
A chaque fois, le scénario se répète...

Avec quelques variantes, les maisons sont toutes bien trop grandes (minimum 5 ou 6 chambres à coucher - alors qu'en tant que couple sans enfant nous n'avons théoriquement droit qu'à deux chambres), mal entretenues voire négligées et équipées d'une cuisine et de salles de bain vétustes, pour ne pas dire insalubres... Tandis que le reste de la maison peut parfois avoir un certain cachet, les cuisines et salles de bain sont, dans la plupart des cas, dignes d'une maison d'un village isolé du fin fond du Massif Central dont l'occupant serait le même célibataire depuis 65 ans et où aucune rénovation ou remise au goût du jour n'a été entreprise depuis 1948.



Plutôt rudimentaire et personne ne trouve rien à redire
des câbles qui pendent du plafond...
 



L'échelle mène au grenier où loge la domestique...
 

Celle-ci est plutôt propre, c'est une exception
   
Dans d'autres maisons, la domestique a le privilège de
pouvoir vivre dans une sorte d'abri de jardin... 

 
Je parle bien 'des' salles de bain parce qu'ici, chaque chambre a sa salle de bain - ce qui lui vaut le titre de 'Master bedroom' - les autres pièces, qui à mon avis sont pourtant également des chambres, ne sont considérées que comme des 'studies' (bureaux) ou des 'storage rooms' (débarras)... Ce qui, soit dit en passant, implique que quand on m'annonce une maison à trois chambres, il y en a en réalité six ou sept...

Une constante de ces salles de bain : des prises électriques situées très judicieusement juste à côté de l'arrivée d'eau de la douche... Quand je fais la remarque à mon courtier que l'électricité et l'eau ne font pourtant généralement pas bon ménage, il me lance un regard mi-amusé mi-réprobateur et je décide alors d'arrêter de lui faire part de mes observations et de prendre mon mal en patience en visitant maison après maison.


Notez les trous dans le bas du mur,
c'est pour l'évacuation de l'eau...



Un peu mieux celle-ci, et on a pris soin d'éloigner un peu plus
les prises électriques de la douche...
 

Ici, j'apprécie particulièrement l'ingénieux système d'évacuation.
Remarquez le discret tuyau bleu qui passe dans le mur pour ressortir au niveau du trou d'évacuation...
 
 


On recommande au locataire de placer une grille sur le trou d'évacuation d'eau
 pour éviter que des rats ne s'invitent comme colocataires...






Là, j'avoue que j'ai failli signer...
J'ai toujours eu un faible pour les tuyaux de douche vert fluo
 

Petite mise au point nécessaire par rapport à ces derniers commentaires... Je suis bien conscient que je suis dans un pays sous-développé (en tout cas du point de vue économique) et qu'une grande majorité de la population birmane n'a même pas accès à ce minimum de confort. C'est juste que quand on prétend louer une maison à 7000 $ par mois, je trouve que les propriétaires pourraient faire un minimum d'effort en matière d'hygiène... D'autant plus quand, comme dans plusieurs maisons que j'ai visitées, il est évident que l'entièreté de l'habitation vient d'être rénovée (souvent avec un goût douteux à nos yeux d'occidentaux mais là n'est pas la question) sans que l'on estime nécessaire de refaire, ou même simplement de rafraîchir, la salle de bain. J'avoue que je ne comprends pas.

Willy m'accorde une pause bienvenue en cours d'après-midi. L'occasion d'aller boire une bière et de discuter un peu. J'ai assez rarement l'occasion de discuter avec des Birmans pour sauter sur toutes les occasions qui se présentent de m'informer au sujet du pays et de ses habitants et de trouver réponse aux questions qui se posent à moi chaque jour. 

Au cours de cette discussion, j'apprends que Willy a vécu une grande partie de sa vie en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. Mais surtout, j'apprends que lui et sa famille ont détenu (ou détiennent encore, ses explications ne sont pas très claires) des droits exclusifs sur la commercialisation de nombre de produits (des engrais agricoles aux licences pour téléphonie mobile), ce qui m'amène à la conclusion que Willy fait partie de ces 'cronies'  dont j'ai entendu parler, ces affidés de la  junte militaire qui détiennent tout le pouvoir économique du pays (cliquer sur crony capitalism pour plus d'explications).

Willy n'aura ainsi aucun scrupule à me parler des nombreux terrains et propriétés qu'il possède un peu partout dans le pays et dont la valeur augmente chaque jour. J'en viens d'ailleurs à me demander pourquoi il perd son temps à véhiculer l'insignifiant client potentiel que je suis... La commission qu'il recevra s'il arrive à me faire signer un contrat avec un propriétaire s'élevera à un mois de loyer soit quelques milliers de dollars, une paille par rapport à sa fortune immobilière et financière...

Je n'essaie même pas de protester quand il prend toute l'addition de nos consommations à sa charge...

C'est donc ainsi que je passe la journée, véhiculé par Willy qui m'emmène d'une maison à l'autre avant de me ramener, fourbu et déconfit, à l'hôtel.

Deux jours plus tard, je remets ça avec la charmante Kay. Nous avons rendez-vous près du centre-ville pour visiter un appartement. A Kay aussi, j'avais spécifié dans mon mail que je cherchais plutôt un appartement de deux chambres, en bon état, avec un balcon ou une terrasse. Même topo, "J'ai exactement ce qu'il vous faut, etc. etc."
Rendez-vous est  pris, nous nous retrouvons dans le lobby d'un grand hôtel du centre-ville où Kay vient à ma rencontre. Nous montons dans un taxi pour nous rendre au 'condo' qu'elle tient à me présenter.
Celui-là, je le concède, il est vraiment rénové et les salles de bains sont en bon état. Encore une fois, j'insiste sur 'les' salles de bain car il y en a tellement que je ne suis plus sûr du nombre exact. Il s'agit en réalité d'un duplex, énorme, avec des chambres et des salles de bain partout, des corridors aussi large que ma chambre d'hôtel, une cuisine assez spacieuse pour y installer une patinoire olympique. Etonnamment, le living est tout petit et encombré.


Le hall d'entrée
 


Le couloir entre les chambres à l'étage... Euh, le lavabo dans le couloir c'est pour faire joli ?
 

Une des nombreuses salles de bain
 


Une des chambres - Notez les vitres des fenêtres recouvertes d'une couche translucide...
Pour voir à l'extérieur, il faut ouvrir la fenêtre...
 

J'explique à Kay que l'appartement est très beau mais qu'il est bien trop grand pour nous. Et puis, et c'est important pour moi, il n'y a ni balcon ni autre espace extérieur...

Qu'à cela ne tienne, Kay propose de m'emmener voir une ou deux maisons susceptibles de m'intéresser... Je crains déjà le pire. Et le manège recommence... Des maisons mégalomaniaques, parfois en relativement bon état mais toujours avec pléthore de salles de bains archaïques et cuisines délabrées.

J'explique le plus diplomatiquement possible à Kay que j'apprécie ses efforts mais que ce n'est pas ce que je cherche. Elle m'assure qu'elle comprend tout à fait, et qu'elle ne veut pas faire comme les autres agents qui montrent des dizaines de maisons qui ne correspondent pas à ce que le candidat recherche. Et pourtant...
Après chaque maison visitée, nous remontons dans le taxi. Après quelques minutes sans commentaire, j'ose un 'Where are we going now ?' et Kay m'explique qu'on va juste voir une dernière maison qui vient d'arriver sur le marché. Et puis une autre, et puis une autre....
A un moment, elle me dit même 'Comme je vois que vous avez le temps, je vous propose d'aller voir...'.
Ah bon, ça se voit donc tant que ça que je suis un homme au foyer désoeuvré ?

Je prends donc mon mal en patience et essaie de tirer un maximum de l'expérience. Ces visites successives me permettent notamment dans certains cas d'avoir un aperçu de la vie quotidienne des Birmans et de leur manière de vivre. Nous entrons parfois dans l'intimité de ces gens et il est attendrissant de les voir me montrer leur maison avec fierté.



Remarquez les meubles en bois de teck sculpté



Et les parquets, comme dans toutes les maisons visitées, également en teck





Un autre avantage de la situation est que je découvre de nouveaux quartiers et que je commence à me familiariser avec cette ville de plus de quatre millions d'habitants, dont je fais maintenant un peu partie.
Et les trajets d'une maison à l'autre sont l'occasion de discuter avec Kay qui, j'en suis persuadé, est bien consciente que rien de ce qu'elle pourra me faire visiter aujourd'hui ne conviendra.
Elle me confirme par exemple cette folie actuelle qui semble avoir pris les propriétaires de biens immobiliers, des maisons qui se louaient pour 500 $ il y a deux ans sont maintenant mises sur le marché pour dix fois plus. Et il lui est arrivé plus d'une fois que le loyer augmente soudainement de 500 $ au moment où elle vient déposer l'acompte, soit bien après que toutes les négociations ont eu lieu et qu'un accord a été conclu...

La recherche va donc devoir se poursuivre... Mais on m'a parlé d'un appartement qui pourrait être idéal... A suivre donc !




mardi 18 juin 2013

Si vous souhaitez vous inscrire à ce blog...

Bonjour,
Plusieurs d'entre vous m'ont demandé comment ils pouvaient être avertis lorsque je publie un nouveau 'post'.
Voici la procédure à suivre, telle qu'expliquée sur un forum.
Il faut commencer par indiquer votre adresse e-mail dans la case prévue à cet effet à droite de mon blog.
Ensuite, suivez les instructions ci-dessous (c'est moins compliqué que cela en a l'air...).
Merci !
Cédric


Lorsque vos lecteurs voudront s'inscrire par ce nouveau gadget, après avoir saisi leur adresse mail et cliqué sur le bouton Submit, ils auront l'affichage de cet écran.
Ils devront comprendre qu'ils doivent recopier le code et cliquer sur Complete Subscription Request.
Puis dans l'écran suivant cliquer sur le lien Close Window.
Dans leur boîte mail, un message viendra leur demander de valider cette inscription.
Un clic sur le lien sera nécessaire à cette fin
Le dernier écran les informe que tout s'est bien passé.
Ouf !

Il est évident que ce système, pour léger qu'il soit, n'en est pas moins assez rebutant pour ceux qui n'y sont pas habitués et qui ne pratiquent pas la langue de Shakespeare.

vendredi 14 juin 2013

J'aime.... J'aime pas....

Dans ma pratique de professeur de FLE (Français Langue Etrangère), j'ai parfois recours à une activité que j'appelle 'J'aime... J'aime pas...'.

En gros, c'est une activité que je fais en début de session, quand les apprenants du groupe ne se connaissent pas entre eux. Il s'agit d'une activité destinée à briser la glace et que je lance généralement après les présentations 'classiques'.

Une fois que les apprenants se sont présentés et que tout le monde a retenu le prénom de chacun, je leur demande d'écrire sur un papier trois choses, si possible originales, qu'ils aiment et trois choses qu'ils n'aiment pas.

J'utilise souvent à titre d'exemple et pour les inspirer un extrait du début du film 'Amélie Poulain' où sont présentés les parents d'Amélie. Le "j'aime... j'aime pas....' des parents d'Amélie  . Ca commence à dater mais j'adore cet extrait.

Quand les apprenants ont écrit ces quelques phrases (ce qui me permet l'air de rien de connaître leur niveau à l'écrit), je collecte tous les papiers, les mélange et les redistribue au hasard.
Chacun se retrouve donc avec une liste de 'J'aime... J'aime pas...' et a pour mission de la lire à voix haute et de trouver à qui elle appartient.

L'autre jour en revenant d'être allé faire une course, je faisais dans ma tête la liste des petites choses, des petits détails que j'aime ou n'aime pas ici à Yangon.
Voici une compilation de ces choses....

A Yangon, j'aime :

  • que les désodorisants pour voiture soient des guirlandes de jasmin;
  • que tous les étudiants, les écoliers, les ouvriers et les employés qui partent au boulot le matin portent en main la même petite boîte metallique ronde contenant leur repas du midi;
  • qu'il suffise de lever les yeux pour voir des moineaux, des martinets, des libellules, des mainates, des chauves-souris, etc.;
  • qu'on y porte des tongs toute l'année et par tous les temps;
  • qu'il n'y ait ici ni McDonalds, ni Starbucks;
  • que même en plein centre ville se baladent des poules et des canards sur les trottoirs, des écureuils et des geckos dans les arbres;
  • que pas un bus scolaire ne vous dépasse sans que les enfants qui s'y trouvent ne vous fassent signe de la main en lançant des 'hello' enjoués;
  • que les balais des ouvriers de la ville soient faits de branchages et non de plastique;
  • que certains des fruits vendus sur les étals des marchés ressemblent à des envahisseurs extra-terrestres;
  • que l'on croise parfois des vendeurs ambulants dont la seule marchandise consiste en des gerbes de céréales destinées à être suspendues à l'intention des moineaux; 
  • qu'il y ait un thermos avec du thé vert et des tasses sur toutes les tables de la moindre gargotte en ville;
  • qu'on entende parfois à la radio la reprise en birman d'un succès de Téléphone ou de Cindy Lauper;
  • qu'on puisse choisir entre une douzaine de variétés d'oignons sur les étals du marché
  • (à suivre...)
A Yangon, j'aime moins :

  • qu'il faille dix minutes et s'y prendre à plusieurs fois pour traverser une avenue;
  • qu'on ne puisse pas boire ni même cuisiner avec l'eau du robinet;
  • qu'on soit obligés de s'asperger d'anti-moustique à longueur de journée (le jour ce sont les moustiques véhiculant la dengue qui attaquent, le soir, ce sont les moustiques susceptibles de vous refiler la malaria qui prennent le relais).
  • qu'on ne trie pas les déchêts;
  • que les trottoirs soient complètement défoncés alors que j'aime me balader le nez en l'air;
  • qu'on passe chaque matin au buffet petit-déjeuner de l'hôtel les grands succès de Richard Clayderman ou la version instrumentale de 'Moon River' ou de 'Wild Horses'
  • (à suivre) 
    En tongs, par tous temps
    

    Salut les canards !
    Le piéton ou le cycliste n'a aucun droit ici, on a intérêt à dégager le passage quand les voitures arrivent.

    
    Attention, en dessous c'est des canalisations de plus d'un mètre de profondeur...
    
    
    Encore des tongs...
    

    
    Pour les moineaux...
    

mercredi 12 juin 2013

Catherine, où es-tu ?




J’avais entendu que la recherche d’un logement ne serait pas une sinécure mais on ne m’en avait jamais expliqué clairement les raisons... Me voilà à Yangon depuis 3 jours et je commence à comprendre…

Le pays a connu de grands bouleversements ces deux dernières années. La politique du gouvernement de U Thein Sein implique une ouverture rapide (précipitée ??) du pays, aussi bien au niveau politique qu’économique.

Une des conséquences de cette ouverture est l’afflux d’étrangers dans le pays, et principalement à Yangon.

Qu’il s’agisse des multinationales pressées de profiter de ce grand marché presque encore vierge, des holdings avides d’exploiter les ressources naturelles énormes du pays ou des Etats soucieux d’établir des relations diplomatiques, l’effet est le même : les expatriés débarquent par centaines.

Tous ces gens et leur famille ont besoin d’un logement répondant à certaines normes ‘occidentales’ de mobilité, de confort, de sécurité, etc. Une nouvelle demande apparaît donc et s’amplifie rapidement tandis que l’offre, presque inexistante, reste relativement stable car peu élastique à court terme. Les grues des entreprises de construction sont à l'oeuvre partout et des blocs d'appartements s'élèvent dans chaque quartier mais il faudra encore quelque temps pour que la situation s'équilibre.

En corollaire à ce débarquement d’expatriés exigeants, l’argent se déverse dans le pays comme les pluies de la mousson, la différence étant que le flux est ininterrompu, qu’il dure depuis deux ans, et que la population locale n’y était pas préparée.
Et l’argent, comme souvent, pourrit tout…

Les rares expatriés présents ici depuis quelques années m’ont ainsi parlé des grands changements qu’ils ont remarqués ces derniers mois dans leurs relations avec les autochtones.
Les Birmans deviennent gourmands, et ceux qui peuvent profiter de la manne soudaine se disent certainement qu’il faut en tirer le maximum tant que c’est possible.

Résultat : des propriétaires de maisons à Yangon qui s’en vont vivre ailleurs pour mettre leur maison en location au plus offrant. Et les grandes entreprises et ambassades ne regardent pas à la dépense quand il s’agit de s’assurer une présence dans ce pays présenté comme le dernier eldorado.

Les loyers explosent donc et atteignent des sommes faramineuses. Les quelques appartements disponibles et les maisons répondant aux critères fixés sont mis sur le marché pour des loyers allant jusqu’à 7000 US$. Et je parle là d’appartements et maisons ‘de base’ (à nos yeux d’occidentaux) et non des maisons de prestige réservées aux PDG et autres ambassadeurs…

Le prix des hôtels suit la même cadence. Entre février et juin, les prix ont ainsi littéralement explosé. Le prix de la chambre d’hôtel où nous logeons a ainsi augmenté de 50% depuis ma première visite il y a quatre mois bien que nous soyons maintenant en ‘basse saison touristique’ (saison des pluies) tandis que février, lors de mon premier séjour ici, est un mois où l’affluence des touristes est à son apogée.

Premier grand défi donc dans ma recherche de logement : des loyers inimaginables où sévit une inflation record.

L’institution officielle pour laquelle je suis ici (en tant que conjoint !) paiera heureusement notre loyer, tout comme elle finance l’hôtel en attendant que nous soyons logés de manière plus permanente.

Comme nous étions les premiers sur place, l’Institution en question n’est pas au courant de cette situation et se base sur les loyers des pays environnants (Thaïlande, Cambodge et Laos) où les expatriés sont logés dans des appartements de haut standing pour un loyer équivalent à celui d’un appartement ‘classique’ dans les beaux quartiers de Bruxelles (+- 2000€).

Deuxième défi dès lors : faire prendre conscience aux services concernés de la situation du marché immobilier local et adapter en conséquence les budgets prévus.

Le troisième défi auquel je suis confronté, et qui est lié aux deux précédents, est que le contrat de location qui est imposé par  «  l’Institution » aux propriétaires les rebute à plus d’un titre.  Et oui, cela m’a aussi étonné mais c’est comme cela que ça se passe, alors que pour vous et moi commun des mortels, c’est normalement le propriétaire qui propose un contrat de location, quand « l’Institution » est locataire, c’est elle qui impose un contrat de location que le propriétaire doit signer…

Et les propriétaires en question, qui ont l’embarras du choix en matière de locataires potentiels, sont rarement disposés à se laisser dicter leurs obligations et devoirs par une entité dont ils n’ont jamais entendu parler.

Résultat des courses : après avoir passé plusieurs jours à discuter, négocier, s’arranger en prenant toutes les précautions possibles pour ne faire ‘perdre la face’ à aucune des parties impliquées, on  apprend que la maison convoitée malgré ses nombreux défauts nous passe sous le nez car un autre candidat a payé cash les premiers mois de loyer.

Entre les liasses de dollars et un contrat de 7 pages imposé par le locataire et clairement à l’avantage de celui-ci, le choix du propriétaire est évidemment vite fait.

Désolé donc de décevoir ceux qui m’imaginaient déjà en Catherine Deneuve version ‘Indochine’, confortablement installé dans notre grande maison coloniale surplombant le lac...


Il s’agira plus probablement d’une maison modeste, aux câbles électriques apparents, à la salle de bain d’époque et aux murs constellés de moisissures et de champignons, même à la saison sèche.

Mais comme me l’a assuré l’expatrié qui m’a expliqué tout ceci et qui a visité plus de 80 maisons ces trois derniers mois, il ne faut pas perdre espoir, une bonne surprise est toujours possible.

C’est donc plein d’entrain que j’ai commencé à contacter les agents immobiliers ce matin !

J’ai toute confiance en ma bonne étoile.


mercredi 5 juin 2013

Site de Géo.fr


Un lien vers un site reprenant quelques informations de base sur la Birmanie.

Veuillez noter à ce sujet que j'utilise dans ce blog aussi bien les nouvelles appellations que les anciennes dénominations du pays et de son ancienne capitale.

J'utilise ainsi indifféremment "Yangon" et "Rangoun', de même que "Myanmar" et "Birmanie".

lundi 3 juin 2013

Rencontre avec les novices au monastère du bouddha assis


Rapidement après avoir fait mes adieux au bouddha allongé de Chaukhtatgyi  (voir article du 30 avril), je me retrouve sur Schwegondain Road.

Après seulement quelques minutes de marche, j'avise, de l'autre côté de l'avenue, un de ces portiques qui mène certainement à un temple ou une pagode. Je pèse pendant quelques secondes mes options, rentrer tout doucement à pied à l'hôtel ou m'offrir l'éventualité d'une nouvelle découverte dès maintenant... Le choix est vite fait et je traverse l'avenue (un exercice toujours périlleux, à réaliser en plusieurs étapes en profitant d'une accalmie salutaire dans la circulation). Je m'engage bientôt dans la large avenue ombragée de grands arbres qui m'invitent à gravir la petite côte qui se présente à moi.

Après une centaine de mètres, l'allée dans laquelle je me suis aventuré débouche sur un de ces couloirs couverts déjà rencontrés à plusieurs reprises autour des pagodes et temples visités.
Vers la droite, le corridor entrecoupé de volées de marches descend, je suppose, en direction de l'avenue que j'ai quittée quelques minutes auparavant. Je décide donc de m'engager vers la gauche, d'où s'approchent plusieurs personnes. Je poursuis mon ascension et distingue bientôt, au bout de l'allée, une urne de donation qui annonce que j'arrive à un lieu de culte.

Les linteaux qui joignent les piliers formant les supports du couloir dans lequel j'évolue sont à présent décorés. Outre les habituels symboles bouddhiques, une peinture particulièrement terrifiante attire mon regard.


Malheureusement, aucune explication n'est donnée quant à ce que signifie cette scène de crucifixion effrayante à la sauce birmane.

Le bout du couloir est plus sombre. Un jeune Birmane se tient près d'une urne à donation et me rappelle d'ôter mes chaussures. Elle m'indique aussi un guichet sur la droite, où sont assis deux hommes à l'air rigolard. Je m'acquitte des 2000 kyats (environ 2 €) de droit d'entrée demandés aux étrangers et reçois une petite bouteille d'eau, particulièrement bienvenue par cette chaleur.

Quelques pas et je découvre l'énorme bouddha, assis celui-ci, qui trône sagement, caressé par les rayons du soleil qui s'amuse à donner vie au visage figé.


 
Plus d'un point commun avec le bouddha allongé : la taille imposante, la sérénité personnifiée, le blanc immaculé de la peau. Les mêmes scènes aussi qui se déroulent devant lui, avec les quelques visiteurs accroupis, les enfants qui jouent, les moineaux qui pépient alentour.

Je rejoins les quelques personnes présentes et m’accroupis devant la statue. Le soleil de ce milieu d’après-midi joue avec les nombreuses dorures qui nous entourent. Je reste là quelques minutes avant de décider de faire le tour du sanctuaire. Beaucoup moins de dévots ici qu’à Chaukhtatgyi et guère de touristes. Il est vrai que ce site se trouve un peu en retrait de la route, qu’il nécessite l’ascension de la colline au sommet de laquelle il trône et qu’il n’est pas recommandé dans les guides touristiques classiques.
Etrange que l’entrée soit payante ici alors qu’elle est gratuite dans la plupart des lieux visités jusqu’à présent à l’exception notable de la star de Rangoun, la pagode de Schwegadon, où les touristes doivent se défaire de 5$. Peut-être mes 2000 kyats contribueront-ils au financement des travaux en cours à l’arrière du bâtiment.

Comme à l’accoutumée, les murs du bâtiment hébergeant le bouddha présentent une succession de statues, d’images décoratives et d’autels plus rutilants les uns que les autres.
Des halos d’ampoules led clignotantes scintillent autour de certaines statues et des peintures en trompe-l’œil se confondent avec les mannequins illustrant des scènes sorties de je ne sais quel récit mythologique ou événement historique.



Je m'interroge sur la signification de tout ce que je vois et observe - images, comportements, attitudes et symboles - et me demande si quatre ans ici suffiront pour comprendre cette culture si éloignée de la mienne.

Je sors de l'espace dédié à l'adoration de bouddha. Je décide, plutôt que de revenir sur mes pas, de m'engager dans le couloir perpendiculaire à celui par lequel je suis arrivé. Je descends la première volée de marches et m'arrête un instant pour contempler le paysage qui s'étale sur ma droite. Beaucoup d'arbres déploient leur feuillage au-dessus des maisons et autres bâtiments -  à l'exception du centre historique au confluent des rivières Hlaing et Yangon, Rangoun reste une ville très verte.

Tandis que j'essaie de situer le temple Chaukhtatgyi que j'ai visité ce matin et qui doit se dissimuler dans ces ondulations verdoyantes, un jeune Birman m'accoste d'un jovial mais classique "Hello! Where are you from?"
"Belgium" lui rétorque-je, m'attendant à ce que cette réplique le laisse perplexe et sans réponse.
"Vraiment ? - continue-t-il en anglais - "Du nord ou du sud ? De Bruxelles, de Liège, d'Anvers ?".
S'en suit une courte conversation au sujet de la Belgique qui écarte le premier réflexe de méfiance suscité par cette intrusion inattendue.

Un ami de mon interlocuteur nous rejoint bientôt. Je l'avais repéré quelques minutes plus tôt accostant un couple de touristes occidentaux. J'apprends vite que les deux camarades sont novices au monastère voisin. Toujours habité par un sentiment de circonspection vis-à-vis des intentions de ces deux inconnus, je reprends mon chemin, aussitôt accompagné par mes deux acolytes.
Très vite, ils m'expliquent qu'ils vivent, étudient et travaillent au monastère adjacent et me proposent de me faire visiter les lieux. J'accepte l'invitation et suis mes deux guides improvisés.

Tout en suivant notre chemin, ils m'apprennent qu'ils sont chacun originaire de deux ethnies minoritaires différentes. Htay est originaire de l'état Rakhine, région du nord-ouest de la Birmanie, frontalière du Bengladesh. Son teint foncé et ses traits morphologiques proches des traits européens corroborent cette origine. Shway, plus petit et de type beaucoup plus asiatique, est quant à lui originaire du Kachin, région montagneuse située au nord de la Birmanie que les contreforts de l'Himalaya séparent de la Chine (le sommet le plus élevé de Birmanie, le Hkakabo Razi formant la pointe sud de l'Himalaya et atteignant 5 889 m se trouve dans l'état Kachin).



Les Kachin constituent un des plus de 130 groupes ethniques reconnus par le gouvernement birman. L'ethnie majoritaire et dominante, les Bamar, représentent toutefois environ 65% de la population totale du pays. A l'instar d'autres peuples minoritaires en Birmanie, les Kachin sont en conflit ouvert avec le régime birman. Périodes de tension et d'apaisement se succèdent et les affrontements armés sont monnaie courante ce qui vaut à une bonne part de leur territoire d'être interdit aux touristes.

Mes deux interlocuteurs du jour ont des langues maternelles différentes bien que tous deux parlent parfaitement le birman, langue dans laquelle ils ont été scolarisés. Ils m'expliquent qu'ils sont ici étudiants à 'l'université bouddhique' (?), que d'ici quelques semaines, ils seront moines et qu'ils continueront à étudier et enseigner le bouddhisme.

Ce n'est peut-être que le fait d'une plus grande aisance en anglais mais l'un des deux comparses me semble beaucoup plus enthousiasmé par ses études et par sa vocation monacale. Je ne peux m'empêcher de penser que son compagnon a peut-être suivi cette voie dans l'unique but d'échapper à la misère et au manque d'opportunités dans sa région natale.

Nous sommes entretemps arrivés au monastère. Mes guides me montrent d’abord une salle où un bonne cinquantaine de moines sont accroupis, en train de méditer. Plusieurs d’entre eux sont recouverts d’un fin voile leur donnant l’air amusant de petites tentes. Shway m’explique que ces méditants vont rester là, immobiles,  jusqu’au petit matin. Ces voiles sont en réalité des protections contre les moustiques. Cela nous mène à une discussion sur la pratique de la méditation et ses effets sur le corps et l’esprit.



Nous arrivons maintenant aux baraquements de bois qui servent de dortoirs aux novices et aux moines. Nous pénétrons dans l’un d’eux, que Shway et Htay m’expliquent être leur logement. Il faut quelques secondes à mes yeux pour s’habituer à la pénombre qui règne ici. Il fait chaud et malsain, comme dans ces endroits surpeuplés et mal ventilés. Je distingue çà et là, à même le sol, des masses immobiles qui se révèlent être des moines endormis.

Tandis que Shway m’explique que je suis privilégié d’être ici aujourd’hui car il était interdit aux étrangers de pénétrer l’enceinte des monastères jusqu’en novembre 2012 (soit moins de trois mois avant ma visite), un moine surgit d’un pas saccadé dans la pénombre où nous nous tenons.

Il s’arrête net à quelques pas de nous et nous étudie tour à tour minutieusement de son regard fou. Shway et Htay restent immobiles et fixent du regard l’illuminé tout en gardant une expression impassible. La scène dure une trentaine de secondes durant lesquelles aucun mot n’est échangé alors que mon regard inquiet saute d’un protagoniste à l’autre. L’énergumène s’esquive soudain et, toujours sans un mot, s’enfonce dans la pièce adjacente où sévit une totale obscurité.

Aucun commentaire n’est fait et mes hôtes me font comprendre qu’il est temps de sortir. Je repèrerai plusieurs fois durant mon court séjour des moines manifestement attardés ou trisomiques et en conclue qu’à défaut de système de protection sociale, les monastères font office de refuges pour les orphelins, handicapés et autre laissés pour compte.

Nous sortons de la baraque de bois. Shway et Htay me montrent les tas de pierres et de sable qui servent à édifier des protections contre les eaux qui, à la saison des pluies (juillet-août surtout), peuvent monter jusqu’à hauteur du genou et s’infiltrer dans les maisons insuffisamment surélevées.
 


Arrivés sur une petite place, nous nous asseyons un instant pour admirer les prouesses d’un petit groupe de moines s’entraînant au chinlone, sport populaire ici, se jouant au moyen d’une balle faite de lanières végétales tressées.

(voir ici une compétition de chinlone :  http://www.youtube.com/watch?v=vWSCzN5CNcw )

Mes compagnons me font remarquer que les quelques joueurs que nous avons devant nous sont d’une autre ethnie et qu’ils parlent donc une langue que ni l’un ni l’autre ne comprend. Les salutations réciproques se font donc en birman.

Profitant de notre pause, les deux camarades me parlent de leur vie et de leurs projets. Tous deux semblent avoir le même objectif : rassembler les moyens et l’expérience nécessaires pour fonder une école dans leur village natal et garantir ainsi l’éducation de leur peuple.

Tous deux s’occupent déjà d’enfants et enseignent dans un orphelinat de Rangoun. Ils leur enseignent le bouddhisme, le birman et l’anglais. Shway se dit même diplômé en et professeur de sanskrit. Le sanskrit serait-il donc toujours un véhicule du savoir bouddhiste comme le latin le fut du christianisme et l’arabe l’est de l’islam ?

Des obstacles inimaginables se dressent toutefois sur leur chemin. Mes deux accompagnateurs d’un jour m’ouvrent en effet les yeux sur une réalité que je ne soupçonnais pas.

Bien que je sois au courant par mes lectures des discriminations encourues par les minorités ethniques, je ne me rendais pas compte à quel point celles-ci pouvaient se manifester concrètement dans la vie quotidienne de ces deux jeunes hommes.

Alors que tous deux sont intelligents, éduqués, cultivés (Shway m'a révélé qu'il est actuellement en train de lire 'L'Etranger' de Camus en anglais) et polyglottes, il leur est impossible de réaliser leur rêve le plus cher : travailler, dans quelque domaine que ce soit, pour gagner de l’argent afin de financer leur objectif philanthrope de création d’école.

La raison en est simple : venant d’ethnies minoritaires, ils n’ont aucune existence légale, donc aucun document d’identité et par conséquent aucune possibilité de décrocher un emploi, même manuel.

Le seul espoir pour eux d’avoir un gagne-pain serait de corrompre un fonctionnaire habilité à leur délivrer un document d’identité, d’une validité limitée à un an renouvelable. Dont coût estimé à 180 US$, les pots-de-vin se payant bien sûr en dollars, une somme impossible à rassembler dans leur cas.

Je leur demande naïvement s’ils rentrent parfois chez eux. Ils évitent de me répondre directement mais je comprends en filigrane qu’ils n’ont bien sûr pas les moyens de voyager à l’autre bout du pays.

Comme pour changer de sujet, ils me proposent alors d’aller présenter mes hommages aux ‘nats’. Les nats revêtent une très grande importance dans la vie spirituelle des Birmans. Bien que majoritairement bouddhistes, ils vouent un culte très prégnant et visible à ces esprits qui les accompagnent à chaque instant.  
 


D’après ce que j’ai pu comprendre, il y aurait trente-sept  nats principaux clairement identifiés et des milliers d’autres moins définis. Il existe des ‘bons’ et des ‘mauvais’ nats. Ceux qui sont présentés ici font partie des trente-sept plus connus. Un peu à l’instar des dieux grecs ou romains, ou des saints chrétiens, leurs attributs permettent de les identifier sans peine.

Les autels dédiés aux nats sont présents partout dans la ville. On les trouve principalement dans les grands arbres qui bordent les avenues et les parcs.



Probablement le nat symbolisant l'esprit de l'arbre

Petit autel au bord de la route, des offrandes y sont souvent déposées, sous forme de fleurs, de nourriture, etc.




En bordure du lac Kandawgyi, un nat particulièrement bien logé

Nous continuons de marcher tout en discutant. Je suis enchanté d’avoir enfin l’occasion de discuter avec des Birmans d’autant plus que cette discussion est particulièrement instructive.

Nous avons maintenant traversé toute l’enceinte du monastère et débouchons sur une route sans circulation. Mes nouveaux amis m’expliquent qu’il leur faut maintenant prendre congé de moi, qu’ils vont prendre le bus pour aller au marché acheter de quoi faire à manger pour les enfants ce soir.

C’est alors qu’ils m’expliquent que nourrir tous ces enfants coûte cher et qu’une donation serait la bienvenue. Le principe de la donation est bien ancré dans la société birmane : chaque matin, les moines passent dans les rues et les habitants du quartier leur distribuent des rations de nourriture ou de l’argent, des urnes sont également disposées un peu partout autour des lieux de culte.

Je ne m’attendais toutefois pas à ce que mes chaperons me demandent ainsi tout de go de financer l’orphelinat. La surprise doit se lire sur mon visage mais c’est surtout de la déception que j’éprouve à ce moment-là.

En sortant de ma poche l’équivalent des 10€ qu’elle contient et que Shway empoche prestement, les questions se bousculent dans ma tête.
Est-ce que les deux heures que nous avons passées ensemble n’étaient pour Htay et Shway qu'un investissement ? N'ont-ils vu en moi qu'une source potentielle de profit ? L'intérêt qu’ils m’ont porté était-il feint ? N’étais-je que leur cible d’aujourd’hui, dans un stratagème qu’ils reproduisent chaque jour ?

Sur le chemin du retour, j’en viens même à m’interroger sur la véracité de leur récit. L’air embarrassé de Htay était-il dû,  non pas à sa gêne face à sa mauvaise connaissance de l’anglais comme je le pensais, mais plutôt à son malaise par rapport au but ultime de toute notre conversation ?
Va-t-il falloir que je m’endurcisse et que j’apprenne à refuser les sollicitations ? Vais-je pouvoir avoir des rapports d’égal à égal avec les Birmans ou y aura-t-il toujours cette ambigüité dans mes relations avec les autochtones ?

Je suppose que cette expérience fera partie de mon apprentissage et de ma découverte du pays… Dépité et déconfit à force de ressasser ces questions, je rentre à l’hôtel, dont le prix de la nuitée paraîtrait probablement, et à raison, indécent à mes deux camarades…