mercredi 27 novembre 2013

Petits arrangements entre dictatures...


Quel privilège absolu d’habiter à Rangoun.

Je mettrais ma main à couper que vous pouvez trouver à New York, Londres ou Paris des restaurants laotiens, quechuas, kurdes voire frisons ou du Lesotho. Mais je mets despotiquement au défi quiconque parmi vous d’y dégotter un établissement totalitairement unique comme celui où j’ai diné il y a quelques semaines.

Mieux, je suis prêt à parier autocratiquement qu’aucun de vous n’a pu goûter cette cuisine qui s’est autoritairement imposée à moi.

Plus fort, s’il vous sera tyranniquement impossible de dénicher un restaurant où vous délecter de cette tambouille, il vous sera presque aussi ardu d’aller à la source de ce graal, apanage réservé à quelques élus triés sur le volet.

En effet, Rangoun est l’un des seuls endroits au monde où l’on peut déguster cette cuisine exclusive et réservée à certains happy few, la cuisine nord-coréenne…

Rangoun et la Corée du Nord mises à part, c’est en Chine, au Cambodge ou à Vientiane (Laos), autres hauts lieux des droits de l’homme, qu’il faudra vous rendre si l’envie d’y goûter vous prend. J’ai cru comprendre qu’une nouvelle ouverture était prévue à Moscou. Qui osera encore affirmer que le Russie n’est pas ouverte à la diversité !

C’est en discutant cuisine coréenne avec une amie canadienne (eh oui, elle a épousé un citoyen du dragon asiatique et a habité sept ans à Séoul) que j’ai appris l’existence de ce restaurant nord-coréen.

Les Coréens sont très présents en Birmanie, il s’agit bien évidemment de Sud-Coréens, et les restaurants coréens sont donc assez nombreux à Rangoun.

Mais ce sont les liens particuliers qui unissent les gouvernements birmans et nord-coréens qui expliquent cette présence curieuse et presque saugrenue d’un des rares restaurants nord-coréens expatriés ici à Rangoun.

Des liens assez forts rapprochent en effet les deux Etats-parias depuis les années 70. Malgré une interruption temporaire de ces relations suite à l’attentat orchestré à Yangon en octobre 1983 par Pyongyang – l’explosion d’une bombe  résultat alors en la mort de 21 personnes dont 17 représentants du gouvernement sud-coréen – les deux pays ont de fait trouvé l’un en l’autre un partenaire idéal pour pallier les sanctions internationales imposées par l’Occident. Tandis que Pyongyang fournissait de l’équipement militaire et son expertise en matière de constructions de tunnels et autres bunkers, le Myanmar procurait des tonnes de riz à son allié affamé… Ces années de coopération sont loin d’avoir pris fin. En novembre 2008, elles ont même été officialisées lors de la visite que le Général Thura Shwe Mann (alors numéro 3 du régime militaire et aujourd’hui président du Parlement national) rendit au Général Kim Kyoksik, chef suprême de l’armée nord-coréenne.

Même si le Myanmar en entretemps entrepris un large mouvement d’ouverture vers le reste du monde, ce petit commerce entre amis perdure. Le pays a en effet toujours pris soin de préserver un équilibre et, étant donné les années d’hostilités avec l’occident et la méfiance inspirée par son grand voisin du nord, le gouvernement estime probablement qu’il n’y a pas lieu de se jeter corps et âme dans les bras des Etats-Unis et/ou ceux de la Chine et de couper les liens avec ce vieil allié nord-coréen, jusqu’à présent, le plus fiable et durable fournisseur…

Ma curiosité ayant été piquée par cette conversation, j’ai décidé que je ne pouvais pas laisser passer cette occasion de goûter à la cuisine nord-coréenne et me suis donc rendu au fameux « Pyongyang Koryo restaurant »...

(les détails de cette escapade culinaire dans quelques jours…)

dimanche 17 novembre 2013

Mon nom est Oakkar (à prononcer 'okar' mais sans faire la liaison s'il vous plaît !)


Il y a environ un mois, j’ai fait la connaissance d’un jeune Birman via un ami commun.
Il s’est présenté à moi comme ‘Patrick’. Devant mon étonnement face à ce prénom occidental, il m’explique qu’il a étudié à Singapour et qu’il était tout naturel pour lui de prendre un nom occidental.

Sur ce, il me demande « Et toi, quel est ton nom birman ? ».  « Mon nom birman ? euuuuuh….. »
Pour Patrick, il allait de soi que si, je comptais rester au Myanmar pendant quatre ans, j’aie un nom birman.

L’idée me plut immédiatement. Mais comment choisir ce prénom ? La plupart des Birmans semblent avoir plusieurs noms, que l’on ne peut identifier comme un nom associé à un prénom.

Traditionnellement, les Birmans choisissent le nom de leurs enfants en fonction du jour de leur naissance. A chaque jour de la semaine sont en effet associées certaines lettres de l’alphabet. Ainsi, chaque Birman sait quel jour de la semaine il est né (vous le savez, vous ?) et il est facile de savoir quel jour est né quelqu’un que vous rencontrez.

Par exemple, les personnes nées un lundi auront souvent pour prénom Kyaw, Khin, Kyin ou Kyi (‘Ky’ se prononce ‘Tch’) ; les personnes nées un mardi s’appelleront Sann, Su, Soe, Nyi, Nyein ou Zaw ; les personnes nées un mercredi s’appelleront Shwe (qui signifie ‘Or’, comme le métal), Li, Win, Hla, … ; les personnes nées un jeudi recevront le prénom Maung, Myint, Myo, et ainsi de suite.

Les noms birmans seront donc composés d’une combinaison de ces prénoms. Une fille née un jeudi s‘appellera par exemple Myint Myint Sann parce que le jeudi et le mardi sont des jours compatibles.

Outre ce système lié au jour de la naissance, de nombreux Birmans consulteront un astrologue au moment de ‘baptiser’ un enfant. Le sage les aidera, en fonction du moment exact de la naissance de l’enfant, à choisir le nom le plus favorable et prometteur pour celui-ci.

Selon ce système, le nom des parents n’a aucune influence sur celui des enfants. Un monsieur Myo Myint Aung pourra choisir d’appeler son fils Aung Win et sa fille Myint Aye Phyo pour faire référence à l’un de ses propres prénoms mais rien ne l’y oblige. Cela peut bien sûr avoir des désagréments dans la mesure où cette absence de nom de famille rend difficile l’établissement des liens familiaux si on ne connait pas l’arbre généalogique de la personne. Jusqu’il y a peu les Birmans étaient assez sédentaires et on pouvait déterminer l’identité complète de la personne en parlant par exemple de « Aye Chaw Thant Thant, la fille de monsieur Win Win Aung et madame Kay Khine Myint, du quartier Kamayut ». Cela est bien sûr moins évident aujourd’hui à l’heure de la mobilité accrue.

Lorsque des Birmans complètent un formulaire administratif, il est courant qu’on leur y demande d’indiquer le nom de leurs grands-parents, parents, oncles, tantes, frères et sœurs. Les étrangers établis ici ont ainsi parfois la surprise de se voir demander les noms de tous leurs parents, ne comprenant pas la nécessité de le faire dans la mesure où tout le monde a bien sûr le même nom de famille…

Comme la liste des prénoms couramment utilisés est relativement courte, il sera courant dans une grande entreprise par exemple d’avoir plusieurs Kyaw Maung ou plusieurs Aung Win. Dans certains cas, on leur attribue donc un numéro pour se retrouver dénommé ‘Kyaw Maung 4’ sur les lieux de son travail par exemple…

Une difficulté supplémentaire qui se pose avec l’ouverture du pays au monde, c’est que les formulaires d’enregistrement (pensez par exemple à votre adresse e-mail, à votre demande de carte Visa, etc.) prévoit systématiquement une case pour le prénom et une autre pour le nom. Choix cornélien pour Monsieur Soe Moe Htet au moment de compléter les cases prévues…

Mais revenons à  mon cas… Comment choisir mon prénom ? Patrick avait la solution. « C’est simple, va voir l’astrologue Saya San Zarni Bo. Il te dira quel est ton prénom birman ! ».

Rendez-vous fut donc pris.

En discutant avec des amis birmans, il apparut rapidement que l’astrologue en question est une sommité et qu’il a même sa propre émission de télévision.

Le jour venu (il y a des horaires prévus spécialement pour les étrangers…), je me rends donc chez le maître (‘Saya’ veut dire ‘maître’ ou ‘professeur’). Je ne connais pas du tout le quartier et, ne disposant que d’une adresse assez vague, je m’en étais inquiété auprès d’une amie.
« Pas d’inquiétude à avoir m’avait-elle répondu, le chauffeur de taxi connaîtra. » Et il en fut ainsi. Quand je donne l’adresse au taxi, celui-ci me décoche un grand sourire et me répond « Saya San Zarni Bo ! ».

Alors qu’en Occident, consulter un voyant ou un astrologue suscite généralement ricanement ou atterrement, cela semble tout à fait naturel et normal ici.

Le taxi me dépose devant la demeure du maître. Une maison ce qu’il y a de plus classique dans une rue comme il en existe des centaines à Yangon. 

Les affaires du maître semblent prospérer. Plusieurs personnes sont assises à l’entrée de la maison, semblant attendre leur tour.

Il est 14 heures, j’ai rendez-vous à 14h30. A peine arrivé, une employée très amène vient m’accueillir et m’invite à m’asseoir au petit bureau installé dans un coin sombre de la réception. Tandis que je m’assois, une dame occidentale, la cinquantaine, sort d’une pièce adjacente et semble éviter mon regard, peut-être de peur que je la reconnaisse.

La jeune femme qui m’a accueilli me demande d’inscrire mon nom et ma date de naissance sur une grande feuille de papier. Je la vois ensuite ouvrir un gros livre (grimoire ?) reprenant le calendrier des dernières décennies. Je sais ce qu’elle va y chercher et lui annonce fièrement « Je suis né un dimanche ». Elle sourit légèrement sans lever la tête vers moi, vérifie quand même son recueil pour me confirmer cela en ajoutant « Good… Very good ».

Cela est donc de bon augure pour moi ! Elle me demande alors de lui présenter la paume de mes mains qu’elle enduit généreusement d’encre noire au moyen d’un petit rouleau qui me chatouille les doigts. Elle prend ensuite mes mains, les retourne et les presse contre la grande feuille de papier buvard sur lequel mon nom est inscrit. Elle me réprimande gentiment quand je montre trop d’entrain à appuyer, me demandant de la laisser faire et de ne pas exercer de pression sur le papier. Elle me désigne ensuite du doigt le petit lavabo installé dans la sorte d’antichambre extérieure que j’ai traversée en arrivant. C’est entouré d’orchidées multicolores que je me frotte les mains avec le savon et le morceau de tissu râpeux laissés là à cette intention.

De retour devant mon interlocutrice, je m’aperçois qu’elle a tracé plusieurs lignes entre les empreintes de mes paumes et qu’elle a inscrit divers chiffres, lettre et symboles.


Elle me demande de patienter et disparaît derrière la porte par où était apparue la quinquagénaire gênée. Elle en revient quelques minutes plus tard, il n’est pas encore 14h30, et m’invite à pénétrer dans l’antre du maître…

Celui-ci, ventripotent, le crâne luisant comme une boule de billard, m’accueille chaleureusement avec un franc sourire et une bonhomie qui inspire immédiatement la sympathie malgré son œil blanc qui me déconcerte un peu au moment où s’engage notre conversation.

Je panique un instant en me rendant compte que je n’ai préparé aucune question ! Que lui répondre s’il me demande « Que puis-je pour vous ? » 
Cela ne sera pas nécessaire. A brûle pourpoint, il me demande « Comment dois-je vous appeler ? ».
Ouf…. « Justement, m’entends-je lui répondre, j’aimerais que vous m’aidiez à connaître mon nom birman ! ».
« Vous vous appelez Oakkar », me répond-il tout de go.
« Comment ? » (je n’ai jamais entendu ce nom auparavant !).
« Oakkar », me répète-t-il en m’épelant ce nom.
« Mais, je pensais qu’étant né un dimanche, mon nom devait commencer par la lettre ‘A’ ».
« En effet, mais voici comment cela s’écrit en birman (il me l’écrit sur un morceau de papier). Cette lettre, peu utilisée en birman (c’est certainement pour cela qu’on ne nous l’a pas encore enseignée au cours de birman !) se retranscrit par un ‘A’ quand on romanise le birman. »



Je me refrène de lui demander pourquoi alors ‘Oakkar’ avec un ‘O’ et accepte mon nouveau nom qui, Saya San Zarni Bo me l’assure est un très beau nom, peu courant que mes amis birmans adoreront. Il évoquerait une étoile filante ou une comète…

Une fois cette révélation accomplie, mon baptême birman est rapidement évacué pour faire place à la soudaine logorrhée du maître.

Sans que je pose la moindre question, ce dernier se lance en effet dans un marathon de paroles comme s’il craignait de ne pouvoir exprimer verbalement la marée d’informations qui s’abat sur lui et qu’il lui faut absolument extérioriser dans un flot ininterrompu.

Me voilà donc en vrac informé des périodes de ma vie future qui seront favorables au développement de nouvelles activités - dates précisées années par années -, des mois de naissance des gens avec qui je m’entendrai le mieux et dont je pourrai faire des partenaires en affaires et en amour (ne voit-il pas que je porte une alliance ?), des jours de la semaine à privilégier pour de prochains voyages, des pays qui me seront bénéfiques et où j’ai intérêt de m’installer, des pierres et des couleurs qui me correspondent, etc. etc.

Le flux continu de divulgations est tel que je n’ai pas le temps ni la place pour tout noter sur le morceau de papier que j’ai trouvé dans mon portefeuille (je suis décidemment venu bien mal préparé à ce rendez-vous).

Son monologue terminé, il vient alors de parler pendant vingt bonnes minutes sans jamais reprendre son souffle, il relève la tête et de son unique œil me cloue sur ma chaise d’un « Que voulez-vous savoir de plus ? ».
Euuuuh… Encore étourdi par tout ce qui vient de m’être administré, je ne trouve absolument rien à demander. De peur de vexer le sage, je jette subrepticement un coup d’œil furtif aux notes que j’ai prises et lui demande de préciser quelques dates que je n’ai pas eu le temps de noter.
« Tout se trouvera sur le CD » me répond-il d’un air agacé.

Le CD ? J’avais remarqué que Saya San Zarni Bo tenait quelque chose dans sa main durant tout son monologue, il s’avère que c’était un mini enregistreur et que c’est ça qu’il venait de donner à son assistante, passée en coup de vent il y a quelques minutes. Tout le soliloque sera donc gravé sur CD…

Pour faire bonne figure, je pose une ou deux questions, demandant plus de précisions quant à des informations qu’il vient de me donner. Il faut apparemment que je surveille mes reins, surtout dans ma 48ème et ma 52ème année. A part ça, pas trop de problèmes et je devrai vivre jusqu’à 86 ou 87 ans… Je me demande s’il y a des voyants qui prédisent une mort prématurée à leurs clients mais n’ose évidemment pas lui demander si cela a déjà été son cas…

Quelques civilités sont échangées jusqu’à ce que l’assistante du maître revienne avec en main le CD qui vient d’être gravé. Je la remercie en me levant, remercie le maître devant lequel je m’incline respectueusement et sors de la pièce où toute ma vie à venir vient de m’être détaillée…

Détail cocasse, le lendemain, je croise le chemin du chauffeur de taxi qui m’avait emmené chez Saya San Zarni Bo. Celui-ci me reconnaît et me demande « Saya San Zarni Bo ? ». Je lui réponds d’un pouce levé que toutes les prédictions sont positives, ce qui le fait rire…

Cette rencontre a eu lieu il y a un peu moins d’un mois maintenant. Je n’ai jamais écouté le CD ni même relu mes notes. Je vais le faire de ce pas…

jeudi 7 novembre 2013

"Birmanie ou Myanmar ? Le vrai faux débat francophone"

 

Ci-dessous, un article reçu de l'ambassade de France. Il répond à des questions que l'on m'a posées, peut-être vous intéressera-t-il... J'ai bien aimé les petites querelles franco-anglaises qui apparaissent en filigrane de l'article.

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En 1989, le gouvernement militaire décida de rebaptiser le pays en modifiant le nom anglais jusqu’alors utilisé : Burma devint Myanmar. D’autres noms de lieux ont connu une évolution comparable : Rangoon est devenu Yangon ; Moulmein, Mawlamyine ; Irrawaddy, Ayeyarwady ; et Maymyo, Pyin Oo Lwin ; etc.

Cette « birmanisation » poursuivait un triple objectif :
-  rompre définitivement le lien psychologique avec le passé colonial ;
-  inscrire le régime dans la continuité historique du « pays des premiers habitants », signification vernaculaire du terme Myanmar ;
-  affirmer indirectement la diversité de la nation, le terme Myanmar étant censé représenter une entité plus large que celle désignée par le mot Burma, formé par les Britanniques à partir du terme Bamar, désignant l’ethnie majoritaire.

Cette réforme n’a rien changé pour les Birmans eux-mêmes qui désignaient déjà en birman leur pays sous le terme Myanmar. Nombre d’ethnies qui coexistent en Birmanie disposent toutefois de termes propres pour désigner une entité nationale à laquelle leur culture et donc leur langue ne les rattachent pas nécessairement. Ainsi la plupart des minorités ethniques ne s’est pas reconnue dans le terme Myanmar, tant pour des raisons historiques liées au rôle jadis dévolu à certaines d’entre elles par les colons britanniques que pour des raisons politiques.

C’est précisément autour de lignes politiques que s’est cristallisée à partir de 1989 la fracture entre ceux qui utilisent le nom Myanmar et ceux qui ont revendiqué le maintien du terme Burma en signe d’opposition au gouvernement. Même si le régime birman a changé depuis 2011, et si le camp des « pro-Burma » tend à s’effriter dans le monde anglo-saxon, l’utilisation du terme Burma reste l’apanage des opposants historiques à l’instar de la Ligue Nationale pour la Démocratie (L.N.D.) et d’un certain nombre d’associations militantes étrangères ou birmanes en exil.

Ce débat terminologique a conduit à des clivages caricaturaux dont le compromis retenu par l’Union Européenne - qui désigne le pays dans tous ses documents officiels en anglais sous le terme de Burma/Myanmar - illustre à la fois la complexité et la relativité.

Devenu idéologique, ce débat doit toutefois être replacé dans son contexte linguistique. Seul l’anglais est concerné. La réforme de 1989, qui ne concernait pas le birman, ne s’appliquait pas non plus aux autres langues étrangères. Elle n’avait ni la vocation ni l’ambition de procéder à une « birmanisation » universelle du nom du pays, aspiration qui eut été au demeurant irréaliste. Si certaines langues comme le japonais qui utilisait traditionnellement le terme ビルマ ont introduit une traduction phonétique du mot Myanmar (ミャンマー), la plupart continue à utiliser les termes d’origine à l’instar du chinois (缅甸) ou du russe (Бирма).

C’est également le cas du français. Contrairement à ce que pensent certains, le fait de parler de la Birmanie n’est ni une prise de position idéologique, ni une méconnaissance des usages locaux, et encore moins un manque de respect à l’égard du gouvernement ou du peuple birman. Il s’agit simplement du reflet d’une constante dans la langue française qui veut que l’utilisation d’un mot d’origine étrangère - en l’occurrence Myanmar- ne s’établisse dans la durée qu’au terme d’un usage aussi large que régulier résultant d’un équilibre entre la phonétique, la pratique et la logique, étape qui n’a pas encore été franchie par le mot Myanmar comme l’illustre par exemple l’absence de dérivés. Ainsi nul n’a jamais entendu parler des « Myanmarais » pour désigner les habitants du pays. (De fait, parler du Myanmar pour désigner le pays, mais des Birmans pour qualifier ses habitants, n’est pas sans poser problème, surtout si l’on se réfère à l’étymologie de chacun de ces termes...)

La Commission générale de terminologie et de néologie, organisme français dont la vocation est de favoriser l’utilisation de la langue française, et de participer au développement de la francophonie, a consacré l’usage du terme Birmanie, ce qui a été accepté sans aucune difficulté par les autorités birmanes. L’Ambassadeur de France est ainsi accrédité auprès de la République de l’Union de Birmanie, et tous les documents officiels bilingues -français-birman-, notamment les accords inter-gouvernementaux, utilisent dans leur version française le terme Birmanie.

Le terme Myanmar n’en reste pas moins utilisé par certains Français lorsqu’ils parlent dans notre langue. C’est notamment le cas de la communauté française installée dans le pays de longue date habituée à la mixité linguistique liée à la coexistence de l’anglais et du birman. Plus récemment, c’est également le cas des milieux d’affaires, plus enclins à utiliser l’anglais que le français comme langue de travail. Même si elle n’est pas conforme à la pratique officielle et à l’usage francophone –le terme Myanmar est un anglicisme en français – cette pratique est parfaitement admissible. En revanche, elle ne peut en aucun cas être considérée comme un « positionnement politique » qui n’a pas lieu d’être en français, et encore moins comme une prescription.

En résumé, si les deux termes –Birmanie et Myanmar- sont admissibles dans la langue courante, et ceci sans aucune connotation, seul le terme Birmanie appartient à la langue française, au même titre d’ailleurs que le nom Rangoun, par opposition à Yangon qui ne relève, pas plus que Rangoon, du registre francophone.

A l’heure où de plus en plus de Français s’installent en Birmanie, on ne peut que souhaiter que le plus grand nombre apprennent le birman, opportunément enseigné, et ceci avec succès, à l’Institut Français de Birmanie (I.F.B.). Quant à la promotion de la francophonie qui demeure un défi dans un pays comme la Birmanie, l’Ambassade ne peut qu’inviter tous ceux qui sont sensibles à cette cause à y contribuer.

Si renoncer à l’utilisation française du terme Myanmar, qui entrera peut être un jour dans les usages francophones, serait ridicule car elle correspond déjà à une réalité, marginaliser le terme Birmanie serait tout aussi condamnable car totalement infondé. Chacun est bien évidemment libre de choisir sa pratique, mais tous se doivent de le faire en connaissance de cause. Quant aux polémiques anglophones, notre langue n’a pas vocation à y contribuer, ce qui n’empêche pas la diplomatie française de se faire entendre en anglais lorsque cela est nécessaire, mais ceci est un autre débat…

publié le 30 octobre 2013

mardi 5 novembre 2013

Excursion de l'autre côté du fleuve...


On a tendance à l’oublier mais Yangon est entourée d’eau.

Le week-end dernier, nous avons décidé avec quelques amis d’aller voir ce qui se passait de l’autre côté. Un ferry relie le centre-ville historique de Yangon à Dalah, petit village situé sur l’autre rive. Un quart d’heure suffit pour arriver de l’autre côté, dans un autre monde…

C’est en effet la campagne et la vie de village qui se déroulent juste de l’autre côté de ce bras de l’Irrawaddy.

A peine débarqués, nous avons loué les typiques motos asiatiques et nous sommes élancés vers Twante, située à une trentaine de kilomètres de là.

Un reportage photos vient d’être publié sur la page publique Facebook liée à ce blog…