mardi 30 avril 2013

Visite au ‘Reclining bouddha’, le bouddha allongé.


Je ne suis à Rangoun que pour 10 jours en ce mois de février 2013. Juste le temps de faire connaissance avec cette ville de plus de quatre millions d’habitants où je vais m’installer d’ici quelques mois.

Etant donné que je vais être appelé à vivre ici plusieurs années, je ne suis pas le touriste pressé d’en voir un maximum avant de rentrer. Je n’ai donc pas de programme précis, mes pérégrinations se décident au jour le jour, selon l’humeur du moment, ce que j’ai lu dans les guides la veille ou mes conversations avec des touristes ou des Birmans rencontrés au cours de mes sorties.

Mes résolutions peuvent donc être modifiées au gré des rencontres ou des détails qui ont le don de susciter mon intérêt. Comme Rangoun est une des métropoles les plus sûres au monde, je n’hésite jamais à m’aventurer dans les rues ou les passages qui ont l’air prometteurs.



Vers quelle pagode ou quel temple nous guidera ce panneau ?
 
Ce matin, j’ai toutefois décidé que ma flânerie quotidienne aurait pour objectif le temple Chaukhtatgyi dont le ‘Reclining Buddha’, le bouddha allongé, est la curiosité mentionnée dans les différents guides qui me servent de référence.

A mon habitude, je m’y rends à pied. Si la chaleur sèche de ce mois de février combinée aux gaz d’échappement des véhicules dont le nombre a explosé ces dernières années rend parfois les déambulations en ville un peu déplaisantes, il est en général relativement facile d’éviter les artères principales et de se rabattre sur les rues adjacentes où l’air est plus respirable. Celles-ci sont souvent dépourvues de trottoir mais la quasi absence de circulation les rend bien plus accueillantes pour le piéton. Elles permettent en outre d’être le témoin de la vie de tous les jours des habitants de la ville.


Sur le bord des routes, on voit partout ces urnes où de l'eau est mise à disposition des passants. Des couvercles en plastique à claire voie sont prévus pour éviter que les insectes y pénètrent.
Systèmes digestifs d'occidentaux s'abstenir...
 
En route vers le marché local ?
Remarquez le canard consterné d'être logé à la même enseigne
que lesvulgaires poulets destinés à la casserole.
Tout ce beau monde est bien sûr encore vivant...

Récolte des bouteilles en plastique vides.
Y aurait-il du recyclage à Rangoun ?
Après avoir longé sur quelques kilomètres la Shwegonedaing Road, je sais que je m'approche du bouddha et commence à consulter de plus en plus fréquemment le plan trouvé à l'hôtel. Je sais d'expérience que les habitants de Rangoun n'ont pas l'habitude d'utiliser un plan et qu'il est inutile de leur demander de l'aide pour se situer sur une carte de leur ville (J'ai déjà connu cette situation lors de mon séjour de quelques mois à Barranquilla en Colombie, où il n'y avait même pas du tout de carte de la ville !). C'est donc oralement que je m'adresse à eux, tentant tant bien que mal de me faire comprendre et d'expliquer ce que je cherche. Mes différentes tentatives finissent par porter leurs fruits et après plusieurs explications plus ou moins précises, je m'engage enfin dans une petite route que rien n'indique comme étant celle qui mène au fameux bouddha.

En guise de temple, je me retrouve sur un parking où sont stationnés deux bus qui occultent ce que je pense être un hangar métallique. Plutôt que de traverser directement le parking, je décide de le longer afin de jeter un oeil aux quelques boutiques de souvenirs et autres objets de dévotion que j'aperçois sur le côté gauche de celui-ci. La présence de ces échoppes m'indiquent que je suis à proximité d'un lieu de culte, les abords des pagodes en sont en effet toujours agrémentés.



 


Je me fraie un chemin parmi les articles proposés : les sempiternels chapelets et bracelets bouddhistes, petits bouddha en bois, bâtonnets d'encens et orchidées destinés aux offrandes, etc. Les jeunes vendeuses, que ma présence sort de leur torpeur, se lèvent d'un bond pour pointer du doigt les différents articles en vente tout en me récitant dans un mélange de birman et d'anglais les mérites de ces panneaux en bois sculptés et autres représentations plus ou moins colorées du bouddha allongé.

Par politesse, je fais mine de les écouter et d'apprécier la qualité du travail. Elles ne semblent pas m'en tenir rigueur quand je les remercie avec force révérences et m'éloigne vers ce que je devine être l'objet de ma visite.




Plusieurs personnes se tiennent debout le long de cette gigantesque structure de métal largement ouverte et qui laisse enfin apparaître le célèbre bouddha allongé alors qu'on s'attendrait sous nos cieux à ce qu'une telle structure abrite un marché ou une fête foraine.

Difficile d'exprimer ce que je ressens lorsque, pour la première fois, mon regard parcourt d'une extrémité à l'autre cette oeuvre gigantesque.



Je reviens alors à son visage, aux traits étrangement féminins. Le bouddha semble jauger du haut de ses 13 mètres les quelques dévots protesternés devant lui. Au premier abord, il peut paraître criard ou tapageur avec sa peau blanche, ses yeux maquillés et ses fines lèvres rouges écarlates. Mais à l'observer plus longuement, il n'en est rien. Le regard bienveillant qui le caractérise et la pose placide qu'il tient expriment une sérénité contagieuse.

Je m'assois parmi la dizaine de personnes réunies là et contemple la scène. Comme dans les autres lieux de culte que j'ai visités ces derniers jours, je suis frappé par le sentiment de tranquilité et de calme qui règne ici. Pourtant, ce n'est ni particulièrement silencieux ni même une atmosphère de total recueillement qui domine. Les oiseaux volètent et pépient autour de nous, les gens discutent entre eux ou au téléphone, les enfants jouent dans les environs, même des moines passent à proximité en conversant joyeusement.
La crainte d'être intrusif que je ressentais lors de mes premières visites de temples et pagodes a vite disparu lorsque j'ai pris conscience que l'attitude de contemplation et de réflexion qui est souvent de mise dans nos lieux de cultes occidentaux n'avait pas lieu d'être ici. Les pagodes et les temples ne sont pas uniquement des endroits de prières ou de méditations, ce sont aussi, et peut-être surtout, des lieux de vie où l'on passe, l'on rit, l'on s'assoit avec des amis pour prendre de leurs nouvelles ou partager un repas, où les enfants s'ébattent et s'amusent, où les aînés viennent se reposer ou faire la sieste.  Et cela me semble naturel.

Je ne sais pas combien de temps je reste assis là, sous le regard de Bouddha. Le chat roux qui semble chez lui ici circule nonchalamment entre les pratiquants agenouillés et les différentes urnes de donation en verre transparent. Il se dirige soudain vers moi et vient se frotter le menton à mon genou replié, comme pour me signaler qu’il est temps pour moi de me remettre en mouvement. J’obtempère et commence à longer les 70 mètres du bouddha.

Arrivé au niveau des pieds du géant, je m’arrête pour déchiffrer, à l’aide du panneau explicatif, la signification des 108 symboles gravés sur la plante des pieds de la statue. Selon la tradition, Siddharta Gautama, qui deviendra le futur Bouddha après avoir atteint l’Eveil, serait venu au monde les pieds marqués de ces signes sacrés.

Un groupe de touristes japonais écoute attentivement les explications prodiguées par leur guide et je me demande à quel point ils sont familiers avec toute cette symbolique à laquelle je demeure toujours totalement imperméable. Une petite structure métallique permet aux visiteurs de prendre un peu de hauteur afin de capturer le colosse dans toute sa démesure.

Je continue mon circuit autour de la gigantesque représentation et longe maintenant sa colonne vertébrale à la courbure parfaite. Je me rends compte de l’existence d’un autre accès au sanctuaire, au moyen d’un escalier débouchant en contrebas du dos du Bouddha. Même si l’arrivée par le parking n’est pas des plus avenantes, je me réjouis intérieurement d’avoir fait connaissance directement avec le visage de mon hôte plutôt que de le découvrir de dos.

Je continue ma progression et atteins maintenant le crâne du géant où je trouve un groupe de touristes français. Une occasion pour moi d’admirer le niveau de français de la guide birmane et particulièrement sa prononciation presque parfaite de la langue. Une constatation que j’ai déjà pu faire à plusieurs reprises chez des Birmans francophones (que j'ai le don de débusquer aux endroits les plus improbables) et qui tranche avec l’accent assez marqué des autochtones parlant anglais.

J’observe une dernière fois longuement le visage apaisé et apaisant de Bouddha avant de me diriger vers le passage que j’ai repéré tout à l’heure au-delà de ses pieds monumentaux. Une sorte d'allée couverte dans laquelle s'est engouffré un moine quelques minutes plus tôt s'annonce en effet assez engageante...



Je m'y aventure donc et découvre un long et large couloir couvert d'une toiture de bois. De part et d'autre, des habitations récentes et souvent, des moines, assis ou vaquant à l'une ou l'autre tache ménagère. Je me rends compte que je suis donc au beau milieu d'un monastère, constitué, outre le bouddha, d'une série d'habitations communes. Je franchis plusieurs croisements constitués du même type de corridors couverts agencés perpendiculairement à celui que je sillonne. Ma présence ne semble pas déranger ni même étonner les résidents, tous masculins, ou les chiens alanguis au milieu du goulet et qui bronchent à peine à mon passage.

Je poursuis mon chemin, non sans admirer au passage les jeux que les rayons du soleil de ce début d'après-midi improvisent dans les étoffes rouges et oranges mises à sécher là par les moines. Serait-ce jour de lessive au monastère ?


Enthousiasmé et dynamisé par cette visite , je décide de poursuivre mon chemin en laissant le hasard guider mes pas pour le reste de la journée. Au bout du passage que j'ai suivi sur plusieurs centaines de mètres, je débouche sur une assez grande avenue que je ne reconnais pas et décide de m'y engager.

Je ne sais pas encore que je suis sur le point de faire connaissance avec le bouddha assis... (voir article du 3 juin)