jeudi 20 juin 2013

Et pour vous monsieur, ça sera 8 ou 12 salles de bain ? (suite de 'Où es-tu Catherine ?)


Ca y est, j'ai commencé à chercher un logement ! 

Je me suis, pour ce faire, renseigné à gauche à droite pour connaître la manière de procéder. La communauté d'expatriés (principalement anglophones) présents à Yangon commence à s'organiser et l'information circule. C'est ainsi que j'ai déjà pu identifier un 'American Club', un 'Australian Club' et un 'English Club'. Je ne me suis pas encore hasardé à me rendre à l'une de leurs soirées (mon accent frenchie va-t-il me démasquer ?) mais de toute façon, quand je lis entre les lignes le programme de leurs soirées, je soupçonne lourdement qu'elles ne soient que des prétextes à beuveries et autres soûlographies destinées à rendre l'exil plus doux. La simple mention 'all you can drink' à côté du prix de l'entrée veut bien, à mon sens, dire ce qu'il veut dire, on paye 10 dollars pour boire un maximum en un minimum de temps. On ne me la fait pas à moi, je les connais les Anglo-Saxons ! Mais bon, je n'y suis pas encore allé, je ne voudrais donc pas porter de jugement hâtif. Ne reculant devant aucun sacrifice, j'expérimenterai certainement la chose un jour ou l'autre, afin de pouvoir en témoigner sur ce blog.

Toujours est-il que j'ai appris, via le YEC ('Yangon expat connection', un groupe google où je me suis inscrit afin de recevoir régulièrement les compilations de courriels qui le nourrissent)  et mes conversations avec d'autres expatriés arrivés depuis quelques mois que la meilleure façon de trouver un logement était de passer via un agent, également appelé 'broker'.

Ces agents, dont une partie a pignon sur rue (même si l'on ne peut pas vraiment parler d'agences immobilières dans le sens où nous l'entendons), se font fort d'être au courant de tout ce qui se loue à Yangon, de jouer les intermédiaires entre nous, étrangers paumés et analphabètes, et les propriétaires de biens et de nous présenter les petits bijoux qu'ils sont "les seuls à avoir débusqué et qui correspondent tout à fait à ce que nous désirons"....

Ca, c'est le discours qu'ils me tiennent une fois qu'ils m'ont ferré, moi, client (pigeon ?) potentiel, après avoir reçu de ma part un courriel détaillant concisément ce que je cherchais. En général, la réponse ne se fait pas attendre, qu'elle soit sous forme d'un courriel ou d'un appel téléphonique - je dispose maintenant d'une carte SIM birmane, donc d'un numéro où l'on pourra me joindre durant les 30 prochains jours, ensuite la carte, et le numéro associé, expire et je dois en acheter une autre...).

Et la réponse, c'est miraculeux, est à chaque fois la même, de l'ordre du  "Ca tombe bien, nous avons justement exactement ce que vous cherchez dans notre portefeuille".

Rendez-vous est donc rapidement pris (pour le jour même) avec Willy (nom fictif). Il vient me chercher à l'heure convenue à l'hôtel pour m'emmener sans plus tarder découvrir la perle rare qu'il a en exclusivité depuis ce matin-même. Inutile de dire qu'il s'agit là d'une occasion qui ne se représentera pas de sitôt, d'autant plus que le loyer annoncé, 2500 $, est bien inférieur à ce qu'on m'avait annoncé. Ha, je vais leur prouver moi à ces expatriés blasés qu'il suffit d'avoir les bons contacts pour trouver à se loger à un prix normal.

Après avoir dû chercher un peu l'entrée du bâtiment en question et passer quelques coups de fil (bizarre, le courtier qui m'emmène ne sait-il pas où se trouve l'appartement ?), on se retrouve devant la porte avec le propriétaire (à moins que ça ne soit un autre agent intermédiaire ?).

Passés la porte, nous commençons à visiter les lieux. L'occasion de se rendre compte que Willy  découvre l'endroit en même temps que moi... Il a beau essayer de faire illusion en me disant d'un air assuré 'Là, c'est la cuisine, là c'est une chambre', je ne suis pas dupe, il n'a jamais vu cet appartement auparavant.

Pour cette première visite, j'ai de la chance m'explique-t-il, il s'agit d'un appartement disponible immédiatement... C'est à dire, je l'apprendrai avec l'expérience des visites qui suivront, qu'on a tiré la chasse d'eau dans les toilettes et enlevé (ou caché dans un placard) les vieilles casseroles toutes noires et toutes grasses qui traînent habituellement sur la cuisinière au gaz qui a connu des jours meilleurs...

Manifestement pas la peine par contre de dégager les vieilles fripes, emballages vides et autres déchêts hétéroclites qui jonchent les coins de chaque pièce visitée, ni de débarasser les vitres d'années d'accumulation de poussière - après tout, de toutes façon, elles donnent sur un mur tout aussi gris à environ un mètre de distance..

Un rapide coup d'oeil à l'installation électrique située derrière la porte d'entrée finit de me convaincre qu'il vaudra peut-être mieux rester à l'hôtel encore un peu...


L'installation électrique, comme dirait Bashung
 "T'es belle comme un pétard qui attend plus qu'une allumette"

Malheureusement, avant de rejoindre le confort de l'hôtel il faut sortir du bâtiment, ce qui implique de reprendre l'ascenseur par lequel nous avons atteint ce douzième étage. Moi qui n'aime déjà pas les ascenseurs en général, j'ai des sueurs froides en m'enfermant à nouveau dans ce cercueil metallique qui tressaute sur sa crémaillère à chaque franchissement d'étage. Je n'ose pas imaginer ce qui se passe lorsqu'il y a une coupure générale d'électricité (de plus en plus courantes ces derniers jours à Yangon). J'ai bien envisagé un moment, au risque de provoquer l'incompréhension voire l'hilarité de mon accompagnateur, de descendre par les escaliers de secours mais de toute façon, l'accès en était cadenassé... Ce que Willy et le propriétaire de l'appartement ont tous deux eu l'air de trouver tout à fait normal... Je ne dis rien.


'Pearl condominium' ... Plus 'peur' que 'perle' en ce qui me concerne...

Arrivés vivants au pied de la tour infernale, et comme pour se faire pardonner du bouge mortel qu'il vient de me faire visiter, Willy me propose alors d'aller voir une maison qui devrait, elle, combler tous mes désirs. Il me semblait pourtant lui avoir expliqué que j'étais à la recherche d'un appartement. J'ose lui en faire la remarque le plus diplomatiquement possible, il marmonne quelque chose qui semble vouloir dire qu'il y a très peu d'appartements à Yangon et que ce qu'il me faut, foi de Willy, c'est une maison.
Bon, de nature confiante, et après avoir vu cet appartement, je me dis qu'il a peut-être raison.

Commence alors la tournée des maisons à louer... Je n'ose plus protester après avoir émis plusieurs fois les mêmes remarques au sujet des premières maisons visitées mais toutes seront du même acabit.
A chaque fois, le scénario se répète...

Avec quelques variantes, les maisons sont toutes bien trop grandes (minimum 5 ou 6 chambres à coucher - alors qu'en tant que couple sans enfant nous n'avons théoriquement droit qu'à deux chambres), mal entretenues voire négligées et équipées d'une cuisine et de salles de bain vétustes, pour ne pas dire insalubres... Tandis que le reste de la maison peut parfois avoir un certain cachet, les cuisines et salles de bain sont, dans la plupart des cas, dignes d'une maison d'un village isolé du fin fond du Massif Central dont l'occupant serait le même célibataire depuis 65 ans et où aucune rénovation ou remise au goût du jour n'a été entreprise depuis 1948.



Plutôt rudimentaire et personne ne trouve rien à redire
des câbles qui pendent du plafond...
 



L'échelle mène au grenier où loge la domestique...
 

Celle-ci est plutôt propre, c'est une exception
   
Dans d'autres maisons, la domestique a le privilège de
pouvoir vivre dans une sorte d'abri de jardin... 

 
Je parle bien 'des' salles de bain parce qu'ici, chaque chambre a sa salle de bain - ce qui lui vaut le titre de 'Master bedroom' - les autres pièces, qui à mon avis sont pourtant également des chambres, ne sont considérées que comme des 'studies' (bureaux) ou des 'storage rooms' (débarras)... Ce qui, soit dit en passant, implique que quand on m'annonce une maison à trois chambres, il y en a en réalité six ou sept...

Une constante de ces salles de bain : des prises électriques situées très judicieusement juste à côté de l'arrivée d'eau de la douche... Quand je fais la remarque à mon courtier que l'électricité et l'eau ne font pourtant généralement pas bon ménage, il me lance un regard mi-amusé mi-réprobateur et je décide alors d'arrêter de lui faire part de mes observations et de prendre mon mal en patience en visitant maison après maison.


Notez les trous dans le bas du mur,
c'est pour l'évacuation de l'eau...



Un peu mieux celle-ci, et on a pris soin d'éloigner un peu plus
les prises électriques de la douche...
 

Ici, j'apprécie particulièrement l'ingénieux système d'évacuation.
Remarquez le discret tuyau bleu qui passe dans le mur pour ressortir au niveau du trou d'évacuation...
 
 


On recommande au locataire de placer une grille sur le trou d'évacuation d'eau
 pour éviter que des rats ne s'invitent comme colocataires...






Là, j'avoue que j'ai failli signer...
J'ai toujours eu un faible pour les tuyaux de douche vert fluo
 

Petite mise au point nécessaire par rapport à ces derniers commentaires... Je suis bien conscient que je suis dans un pays sous-développé (en tout cas du point de vue économique) et qu'une grande majorité de la population birmane n'a même pas accès à ce minimum de confort. C'est juste que quand on prétend louer une maison à 7000 $ par mois, je trouve que les propriétaires pourraient faire un minimum d'effort en matière d'hygiène... D'autant plus quand, comme dans plusieurs maisons que j'ai visitées, il est évident que l'entièreté de l'habitation vient d'être rénovée (souvent avec un goût douteux à nos yeux d'occidentaux mais là n'est pas la question) sans que l'on estime nécessaire de refaire, ou même simplement de rafraîchir, la salle de bain. J'avoue que je ne comprends pas.

Willy m'accorde une pause bienvenue en cours d'après-midi. L'occasion d'aller boire une bière et de discuter un peu. J'ai assez rarement l'occasion de discuter avec des Birmans pour sauter sur toutes les occasions qui se présentent de m'informer au sujet du pays et de ses habitants et de trouver réponse aux questions qui se posent à moi chaque jour. 

Au cours de cette discussion, j'apprends que Willy a vécu une grande partie de sa vie en Grande-Bretagne et aux Etats-Unis. Mais surtout, j'apprends que lui et sa famille ont détenu (ou détiennent encore, ses explications ne sont pas très claires) des droits exclusifs sur la commercialisation de nombre de produits (des engrais agricoles aux licences pour téléphonie mobile), ce qui m'amène à la conclusion que Willy fait partie de ces 'cronies'  dont j'ai entendu parler, ces affidés de la  junte militaire qui détiennent tout le pouvoir économique du pays (cliquer sur crony capitalism pour plus d'explications).

Willy n'aura ainsi aucun scrupule à me parler des nombreux terrains et propriétés qu'il possède un peu partout dans le pays et dont la valeur augmente chaque jour. J'en viens d'ailleurs à me demander pourquoi il perd son temps à véhiculer l'insignifiant client potentiel que je suis... La commission qu'il recevra s'il arrive à me faire signer un contrat avec un propriétaire s'élevera à un mois de loyer soit quelques milliers de dollars, une paille par rapport à sa fortune immobilière et financière...

Je n'essaie même pas de protester quand il prend toute l'addition de nos consommations à sa charge...

C'est donc ainsi que je passe la journée, véhiculé par Willy qui m'emmène d'une maison à l'autre avant de me ramener, fourbu et déconfit, à l'hôtel.

Deux jours plus tard, je remets ça avec la charmante Kay. Nous avons rendez-vous près du centre-ville pour visiter un appartement. A Kay aussi, j'avais spécifié dans mon mail que je cherchais plutôt un appartement de deux chambres, en bon état, avec un balcon ou une terrasse. Même topo, "J'ai exactement ce qu'il vous faut, etc. etc."
Rendez-vous est  pris, nous nous retrouvons dans le lobby d'un grand hôtel du centre-ville où Kay vient à ma rencontre. Nous montons dans un taxi pour nous rendre au 'condo' qu'elle tient à me présenter.
Celui-là, je le concède, il est vraiment rénové et les salles de bains sont en bon état. Encore une fois, j'insiste sur 'les' salles de bain car il y en a tellement que je ne suis plus sûr du nombre exact. Il s'agit en réalité d'un duplex, énorme, avec des chambres et des salles de bain partout, des corridors aussi large que ma chambre d'hôtel, une cuisine assez spacieuse pour y installer une patinoire olympique. Etonnamment, le living est tout petit et encombré.


Le hall d'entrée
 


Le couloir entre les chambres à l'étage... Euh, le lavabo dans le couloir c'est pour faire joli ?
 

Une des nombreuses salles de bain
 


Une des chambres - Notez les vitres des fenêtres recouvertes d'une couche translucide...
Pour voir à l'extérieur, il faut ouvrir la fenêtre...
 

J'explique à Kay que l'appartement est très beau mais qu'il est bien trop grand pour nous. Et puis, et c'est important pour moi, il n'y a ni balcon ni autre espace extérieur...

Qu'à cela ne tienne, Kay propose de m'emmener voir une ou deux maisons susceptibles de m'intéresser... Je crains déjà le pire. Et le manège recommence... Des maisons mégalomaniaques, parfois en relativement bon état mais toujours avec pléthore de salles de bains archaïques et cuisines délabrées.

J'explique le plus diplomatiquement possible à Kay que j'apprécie ses efforts mais que ce n'est pas ce que je cherche. Elle m'assure qu'elle comprend tout à fait, et qu'elle ne veut pas faire comme les autres agents qui montrent des dizaines de maisons qui ne correspondent pas à ce que le candidat recherche. Et pourtant...
Après chaque maison visitée, nous remontons dans le taxi. Après quelques minutes sans commentaire, j'ose un 'Where are we going now ?' et Kay m'explique qu'on va juste voir une dernière maison qui vient d'arriver sur le marché. Et puis une autre, et puis une autre....
A un moment, elle me dit même 'Comme je vois que vous avez le temps, je vous propose d'aller voir...'.
Ah bon, ça se voit donc tant que ça que je suis un homme au foyer désoeuvré ?

Je prends donc mon mal en patience et essaie de tirer un maximum de l'expérience. Ces visites successives me permettent notamment dans certains cas d'avoir un aperçu de la vie quotidienne des Birmans et de leur manière de vivre. Nous entrons parfois dans l'intimité de ces gens et il est attendrissant de les voir me montrer leur maison avec fierté.



Remarquez les meubles en bois de teck sculpté



Et les parquets, comme dans toutes les maisons visitées, également en teck





Un autre avantage de la situation est que je découvre de nouveaux quartiers et que je commence à me familiariser avec cette ville de plus de quatre millions d'habitants, dont je fais maintenant un peu partie.
Et les trajets d'une maison à l'autre sont l'occasion de discuter avec Kay qui, j'en suis persuadé, est bien consciente que rien de ce qu'elle pourra me faire visiter aujourd'hui ne conviendra.
Elle me confirme par exemple cette folie actuelle qui semble avoir pris les propriétaires de biens immobiliers, des maisons qui se louaient pour 500 $ il y a deux ans sont maintenant mises sur le marché pour dix fois plus. Et il lui est arrivé plus d'une fois que le loyer augmente soudainement de 500 $ au moment où elle vient déposer l'acompte, soit bien après que toutes les négociations ont eu lieu et qu'un accord a été conclu...

La recherche va donc devoir se poursuivre... Mais on m'a parlé d'un appartement qui pourrait être idéal... A suivre donc !




4 commentaires:

  1. Ça me rappelle certains souvenirs personnels... :-)
    Vivement la suite de tes aventures !

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  2. Moi je les trouve très bien ces salles-de-bain... Je ne sais pas si tu as eu le cas sur Dominica island mais le système chauffe-eau de la douche se trouvait à l'intérieur du pommeau de douche avec les cables électriques qui en sortaient... et j'aime bien la maison type palace, on pourra venir tous ensemble vous visiter ;)(Brigitte)

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