mercredi 17 juillet 2013

Nations Unies - Cédric en Birmanie : même combat


Petit coup de tonnerre dans le microcosme des expatriés de Yangon...

Les discussions entre 'expats', qu'ils proviennent d'ONG, de représentations diplomatiques ou d'entreprises, tournent souvent autour des problèmes rencontrés dans la recherche de logement dont je vous ai déjà entretenus (voir les billets 'Catherine, où es-tu ?' du 12 juin dernier et de sa suite 'Et pour vous Monsieur, ça sera 8 ou 12 salles de bain ? du 20 juin).

J'ai par exemple discuté il y a quelques jours avec un Ecossais qui loge depuis le début de ce mois au même hôtel que moi. Il m'a raconté qu'il vivait à Yangon depuis un peu plus d'un an. Lui et son épouse louaient une petite maison dans le quartier 'Golden Valley', un quartier arboré, composé de maisons individuelles, très prisé des expatriés de par sa situation centrale et son environnement calme malgré les routes défoncées. Tout se passait très bien jusqu'au moment du renouvellement du bail de location.

J'ai omis d'expliquer dans mes précédents billets qu'ici à Yangon, les baux de location couvrent généralement une période d'un an. Au moment de la signature du contrat, la totalité du loyer annuel est payée, en dollars américains et en cash. Le système bancaire local n'est encore ici qu'à l'état larvaire, en tout cas pour les particuliers et quand les propriétaires de bien immobilier ont un compte bancaire, il s'agit en général d'un compte à Singapour. J'ai en outre cru comprendre, mais on ne me l'a pas confirmé, que le fait de se faire payer en cash ou sur un compte étranger permettait aux propriétaires d'éluder une taxe de 10% prélevée sur les mouvements bancaires.  

C'est donc une somme d'argent conséquente (12 fois le loyer mensuel plus, le cas échéant, la commission de l'agent qui se monte à l'équivalent d'un mois de loyer) qui est déposée sur la table au moment de la signature du contrat de bail. Inutile de préciser que le locataire a tout intérêt à s'assurer que les travaux, réparations et aménagements convenus au moment de la négociation ont bien été réalisés lors de la signature du contrat car une fois les 12 mensualités payées d'une traite, le propriétaire se montre généralement peu enclin à engager des frais ou à se montrer conciliant en cas de problème.

Voyant le terme de son bail approcher donc, ce brave monsieur d'Aberdeen a contacté son propriétaire pour reconduire le contrat, moyennant pensait-il, l'indexation annuelle de 10 à 15% dont il avait été question douze mois auparavant.

En guise d'indexation, c'est un triplement du loyer qui lui a été signifié, le prix mensuel du logement passant ainsi de 2000$ à 6000$.

Protestations, objections et réclamations n'y auront rien fait et monsieur et madame se retrouvent donc à l'hôtel - dont le prix mensuel de la chambre doit d'ailleurs avoisiner le loyer indexé de leur ancienne maison - en attendant de retrouver un toit qui corresponde à leur budget. 

Mais il apparaît maintenant, avec un certain retentissement, que les particuliers que nous sommes ne sont pas les seuls concernés par ce type de situation. 

Les rumeurs et on-dit qui circulaient depuis quelques temps ont en effet été confirmés (notamment dans 'The Straits Times', journal singapourien) : les Nations Unies sont elles aussi victimes du cauchemar immobilier et hôtelier de Yangon. C’est maintenant officiel, l’ONU, présente au Myanmar depuis l'indépendance du pays il y a 65 ans, a signé son dernier contrat avec l'hôtel Traders, chassée par le boum touristique qui révolutionne le paysage hôtelier birman.

Alors que les Nations Unies occupaient 5 étages de cet hôtel prestigieux de Yangon depuis 2007, l’explosion du prix des chambres d’hôtel a en effet poussé la prestigieuse organisation vers la sortie. Exit donc les bureaux des Nations Unies.

C’est que le tourisme en Birmanie connaît une croissance exponentielle. La masse de touristes a augmenté de 30% l’année dernière, pour atteindre en 2012 le nombre de 1 ,06 million de visiteurs. Les prévisions font état d’une multiplication par sept du nombre de voyageurs d’ici 2020, pour arriver à 7,5 millions de visiteurs annuels…

Alors que les hôtels de Yangon présentaient il y a encore deux ans un taux d’occupation moyen  de 30%, ils affichent aujourd’hui complet. Cette demande croissante a eu notamment pour conséquence de faire quadrupler les tarifs des chambres d’hôtel entre  2007 et aujourd’hui. Pour l’année 2013, l’augmentation attendue des tarifs est estimée à 15%, pour arriver à une moyenne de 160 US$ pour les 9110 chambres que comptent les 208 hôtels enregistrés à Yangon.

Il s’agit bien là de tarifs moyens. Selon le site du Shangri-La (consortium propriétaire de l’hôtel), le prix de base pour une nuit à l’hôtel Traders de Yangon, qui compte 305 chambres, s’élève à 260 US$. Ce qui ne manque pas d’interpeller quand on voit que le tarif du Traders de Hong Kong est de 122 US$ et celui de Singapour de 198 US$.  

Cette situation attise bien sûr la convoitise des grands groupes hôteliers, d’autant plus que, parmi les 208 hôtels mentionnés plus haut, seuls huit répondent aux standards internationaux. Je peux ainsi me rendre compte régulièrement de l’état d’avancement du Novotel qui est en phase d’achèvement sur Pyay Road, tandis que Marriott International est sur le point de conclure son premier accord pour une installation au Myanmar et que Best Western International va ouvrir son premier établissement dans le pays cette année.


De quoi rassurer l’ONU d’être hébergé d’ici peu ? Peut-être, si l’organisation décide d’à nouveau prendre ses quartiers dans un hôtel de la ville. L’organisation n’aura d’ailleurs peut-être pas d’autre option.

Car en effet, une difficulté inattendue peut s’ajouter aux institutions à la recherche d’espaces de bureau…

Outre les loyers exorbitants et l’aménagement qui ne répond pas toujours aux normes occidentales, l’origine du bien immobilier peut poser problème.

C’est ce qui est arrivé à une représentation diplomatique récemment. Après avoir cherché et trouvé un espace adéquat, négocié le loyer et les conditions, le contrat a été présenté, pour signature finale, au ministère des affaires étrangères du pays concerné. Parmi les contrôles d’usage, une recherche sommaire (google en l'occurrence !) a permis de se rendre compte que le propriétaire du bâtiment en question se trouvait sur une ‘liste noire’ établie par l’un ou l’autre gouvernement ou comité de contrôle démocratique. Cela signifie probablement que la fortune du promoteur immobilier est constituée d’argent sale (provenant par exemple du trafic de drogue - le Myanmar est le deuxième producteur d’opium au monde après l’Afghanistan. Voir le  Triangle d’Or ) ou que cette personne est, d’une manière ou d’une autre, liée à quelqu'un ou elle-même sous le coup d’une condamnation internationale.

Retour à la case départ donc pour la représentation diplomatique en question dont le gouvernement responsable ne peut évidemment prendre le risque d’être accusé par la suite de traiter avec un partenaire soupçonné d’activités criminelles.

Le défi à relever est qu’il y a fort à parier que la plupart des développements immobiliers privés d’envergure sont financés, au moins en partie, par des revenus illicites, ou du moins peu recommandables. Puis-je même aller jusqu'à dire que toutes les personnes fortunées du pays ont l’une ou l’autre chose à se reprocher quant à la manière dont ils ont amassé leur capital ? 

Je doute que les personnes qui ont accumulé assez d’argent ces dernières décennies pour être en mesure d’investir dans des projets de grande ampleur l'aient fait dans la culture du riz ou en commençant comme manoeuvre sur un chantier…






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