lundi 8 juillet 2013

Journée gastronomique à Little India (Singapour)



C'est en remarquant les panneaux signalétiques que je me rends compte que je suis déjà arrivé dans le quartier 'Little India'. Il ne m'aura fallu qu'une trentaine de minutes à pied pour arriver ici au départ de mon hôtel situé dans le CBD (Central Business District) de Singapour.



Ici, c'est en anglais et en tamoul que sont rédigés
les panneaux signalétiques
N'ayant délibérément pas encore pris de petit-déjeuner, je rentre dans la première cantine que je rencontre. Celle-ci ne paie pas de mine de l'extérieur mais plusieurs tables y sont occupées, ce qui doit être bon signe. Mon arrivée semble susciter un certain étonnement, il est vrai que je suis le seul occidental ici, et même le seul 'non Indien'.

Ma visite au fascinant musée national de Singapour il y a quelques jours m'a appris que la plupart des Singapouriens d'origine indienne sont de l'ethnie tamoul. Leurs ancêtres sont arrivés en grand nombre dès la fondation de Singapour en 1819 par les Britanniques. La plupart de ces Indiens y sont alors venus comme ouvriers ou comme soldats de Sa Majesté. La population d'origine indienne forme actuellement environ 9% de la population totale de Singapour, ce qui en fait le troisième groupe ethnique (après les Chinois, largement majoritaires, et les Malais).

Quatre langues officielles à Singapour :
Le tamoul, le malais, le chinois et l'anglais.
Heureusement pour moi, l'anglais est la
langue véhiculaire

A la manière d'un fast-food, les nombreux plats disponibles sont présentés au moyen de photos au-dessus du comptoir. Ici aussi, tout est indiqué en anglais et en tamoul. Sur l'un des murs, une grande affiche explique et démontre par des comparaisons biologiques les vertus du végétarianisme, qui donne notamment son endurance au chameau, sa puissance à l'éléphant et sa rapidité à la gazelle...
Inutile de préciser que l'enseigne ne propose que des plats végétariens.




Devant mon air perplexe en face du menu coloré, la jeune fille du comptoir vient à ma rescousse et me propose le 'breakfast set', le menu petit-déjeuner du jour. Je lui demande de quoi il s'agit, ne comprends rien à la réponse et lui réponds d'un air assuré que c'est parfait et que je prendrai donc cela.
Je vais m'asseoir à la table qu'on me désigne pour y attendre mon repas. A ce stade, je n'ai toujours aucune idée de ce qui va arriver dans mon assiette. J'en profite pour observer mes comparses, principalement des jeunes et des familles (sur le chemin du travail ou de l'école ?) qui discutent joyeusement.
Je prends note que la plupart des convives mangent avec les doigts et ne se servent pas de la fourchette et de la cuillère dont ils disposent. Bizarrement, aucun couteau n'est fourni avec le plateau repas, ce que j'avais remarqué dans d'autres restaurants ces derniers jours.

Dans un coin de la salle, un lavabo équipé de savon et de serviettes jetables permet de se laver les mains avant et après le repas. A côté, une grande carafe d'eau glacée et des verres sont à la disposition des clients.  Après m'être lavé les mains, je me sers un grand verre d'eau, soupçonnant qu'il me sera certainement salvateur d'ici peu. Mon expérience avec la cuisine indienne m'a appris qu'on n'y va en général pas de main morte lorsqu'il s'agit de relever les plats...




Après quelques minutes, mon petit-déjeuner arrive.



L'examen du menu affiché m'apprend qu'il s'agit d'un dosa (en tamil : தோசை), plat de base très populaire dans le sud de l'Inde et au Sri Lanka.

Le dosa est une crêpe épaisse, faite de farine de riz et de lentilles, farcie de légumes et/ou de pommes de terre. Elle est généralement servie, comme c'est le cas ici, avec un chutney, du yaourt, des sauces de légumes épicées, etc. Le tout m'est proposé chaud et accompagné d'un café.

Riche en féculent, exempt de sucre ou de graisse saturée, c'est un petit-déjeuner particulièrement sain et énergétique. C'est donc ravi de cette délicieuse découverte culinaire et rassasié que je me met en route après ce petit-déjeuner qui augure d'une bonne journée.

Mon premier objectif est le marché alimentaire du Tekka Centre. Chaque matin, particuliers et professionnels viennent s'y approvisionner en produits frais .

L'immense halle couverte regroupe les vendeurs rassemblés selon les produits vendus. Au rez-de chaussée, un 'food court', les fruits et légumes, les poissons, la volaille, la boucherie halal; à l'étage, les tailleurs et les vendeurs de tissus multicolores et de saris chatoyants.







Remarquant que je suis intrigué par un poulet à la couleur suspecte, un vendeur me permet de l'examiner de plus près et m'explique qu'il s'agit d'un 'black chicken'. Répondant à mes questions, il m'assure que cette couleur est naturelle (y aurait-il des contrefaçons ?) et qu'il s'agit d'une race particulière à la peau noire.
A en croire mon volubile interlocuteur, le 'poulet noir', que je rencontrerai plus tard sur des menus, est particulièrement recommandé aux femmes enceintes...




Ma curiosité satisfaite, je sors du marché et m'aventure dans les rues adjacentes.
Partout, je suis agréablement assailli par les couleurs, les bruits et les senteurs de la rue.


Le propriétaire n'a pas pu se décider sur la couleur ?

 
 
Ganesh, le dieu à la tête d'éléphant, se retrouve souvent à l'entrée des
magasins. Il est le gage de succès dans les affaires.

Un peu partout, de petits étals proposent des guirlandes de fleur. Confectionnées sur place et destinées à être déposées en offrande dans les temples hindous, celles-ci embaument les environs et attirent les abeilles !





Je décide d'aller voir l'utilisation que l'on fait de ces guirlandes. Je commence par le temple Sri Srinivasa Perumal, surtout réputé pour la procession des fidèles qui se transpercent le corps avec des pointes et des broches à l'occasion de la fête de Thaipusam qui a lieu en février.

Gopura du temple Sri Srinivasa Perumal

Bien que ce temple soit au coeur de 'Little India' et présenté comme l'un des plus importants de la ville, je n'y retrouve pas l'animation dont j'ai pu être témoin la veille dans le temple Sri Mariamman  pourtant situé à Chinatown. Ce temple-là, c'est pour la fête de Thimithi qu'il est réputé, à l'occasion de laquelle les fidèles marchent sur des charbons ardents... Lors de ma visite en fin de journée, j'y ai été témoin de diverses cérémonies et rassemblements impliquant psalmodies entêtantes et rituels étranges comprenant la distribution d'une sorte de semoule orange que les dévots mangent promptement, le tout baigné dans les  senteurs d'encens.




Le temple Sri Vadapathira Kaliamman n'étant pas très loin, je pousse jusque là mais en ressors un peu déçu dans la mesure où celui-ci est complètement déserté.

Tandis que je sors du temple, il commence à pleuvoir. La pluie s'intensifie rapidement et semble s'installer, je décide d'entrer dans le cinéma devant lequel je suis passé plus tôt dans la matinée. Je m'enquiers de la programmation et achète un billet pour la séance en cours, un film n'ayant manifestement débuté que depuis 20 minutes.
"Thillu Mullu" est une comédie réalisée à Chennai, dans le sud de l'Inde, la langue utilisée est donc le tamoul (heureusement pour moi, le film est sous-titré en anglais). A ce titre, et malgré la présence de quelques scènes chantées,  je me demande si on peut le considérer comme un film 'Bollywood' qui, par définition est produit à Bombay.

Bien qu'ayant raté les vingt premières minutes du film, l'intrigue est assez facile à comprendre. Un jeune employé se fait passer pour son frère jumeau imaginaire afin de séduire la fille de son patron. S'en suit toute une série de situations vaudevillesques qui feront beaucoup rire les quelques spectateurs présents dans la salle.

Cette comédie sympathique me donne un aperçu intéressant de la société indienne (ou en tout cas, d'une partie de celle-ci) grâce aux différentes scènes se passant dans un temple, au bureau, chez les protagonistes, etc. Beaucoup de situations, de dialogues et de réflexions me permetttent de prendre conscience de l'énorme fossé qui me sépare de cette culture et je suis convaincu que beaucoup d'implicite culturel m'échappe totalement.

Alors que je pensais ne rester qu'une demi-heure ou une heure dans cette salle de cinéma, le temps de laisser passer la pluie, je rentre dans le film et son intrigue et reste accroché jusqu'à la fin.

Il est environ 14 heures quand je quitte le Rex et je ne résiste pas à la tentation d'entrer dans un des établissements qui jouxtent le cinéma. Ma témérité culinaire ayant des limites, je ne m'aventure pas à essayer une des spécialités locales, la "tête de poisson"... Mes souvenirs pékinois de convives se ruant sur les yeux du poisson qu'on venait d'apporte entier sont encore assez précis pour ne pas avoir envie de renouveler l'expérience.




Je choisis la facilité et demande un dosa, version 'masala' cette fois-ci. J'ajoute ma touche personnelle au menu en commandant un lassi à la mangue. Le lassi est un mélange de yaourt, de lait et d'épices. Traditionnellement c'est une boisson légèrement salée. J'opte toutefois ici pour une version fruitée.


La pâte du dosa que l'on me propose cette fois-ci est plus fine et plus légère que celui que j'ai dégusté ce matin. L'accompagnement est beaucoup plus épicé. Ce repas est tout aussi délicieux que mon petit-déjeuner et je me félicite de mon choix !

A nouveau rassasié, je me dirige sans conviction vers Orchard Street, un autre type de temple, celui de la consommation. Orchard Street n'est à mes yeux qu'une succession de centres commerciaux plus luxueux et tape-à-l'oeil les uns que les autres mais je m'y dois d'y faire une incursion tant le shopping est le sport national à Singapour, et cette avenue, son terrain d'entraînement privilégié.

J'arrive rapidement à la librairie colossale dont l'on m'a assuré que j'y trouverais le livre de français que je cherche, déniche en effet le bouquin convoité et me laisse bien sûr tenter par trois autres livres qui ne figuraient pas sur ma liste...



Retour à 'Little India' le soir-même, accompagné cette fois-ci. Je n'ai en effet pas encore eu l'occasion de découvrir Kampong Glam, qui jouxte Little India, et qui peut-être décrit comme le quartier musulman de Singapour. Les rues de ce quartier, peuplé de Singapouriens musulmans d'origine malaise mais aussi indonésienne, indienne ou autre, portent des noms qui ne trompent pas. J'ai ainsi parcouru 'Arab Street', 'Kandahar Street', 'Muscat Street' ou encore 'Sultan Gate'.

Juste en face de la mosquée du Sultan, principale mosquée de Singapour, couronnée de son dôme doré, nous décidons d'essayer le 'murtabak' réputé du restaurant Zam Zam, institution singapourienne fondée en 1908.

Installés à l'entrée du restaurant ouvert sur la rue, nous profitons d'une part de l'ambiance survoltée qui règne ici avec les rabatteurs qui haranguent les passants et les serveurs qui hurlent les commandes et d'autre part de l'appel à la prière émanant de la mosquée.

Le murtabak, dont le nom vient de l'arabe mutabbaq, est  une galette croustillante originaire du Yémen et de l'Arabie Saoudite. On le retrouve néanmoins sous différentes variantes dans plusieurs pays musulmans d'Asie. Dans sa version malaise, que l'on trouve également à Singapour, le murtabak peut être farci de viande de mouton, de boeuf ou de poulet, agrémentée d'ail, d'oignon et d'oeuf et servi avec une sauce au curry.


On me l'a servi ici avec, en accompagnement, des rondelles de concombre copieusement arrosées de ketchup ('fusion food' ?). Si le murtabak au mouton est une découverte plaisante, le choix d'une boisson au tamarin pour arroser tout cela se révelera peu concluant...

La balade digestive que nous nous accordons après ce repas nous dévoile des rues où s'amoncellent les tapis dans des 'shop houses' rappelant les souks du Moyen-Orient, et les cafés où se réunissent les fumeurs de chicha du quartier.

C'est épuisé, repu et heureux de ces incursions gastronomiques indiennes et arabes que je me couche ce soir-là, les oreilles résonnant encore du refrain entraînant de la bande-originale de 'Thillu Mullu'.

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